Une nouvelle coalition de médecins, de syndicats et d'écologistes met en garde le gouvernement du Québec contre l'aide de 58 millions annoncée pour la réouverture de la mine d'amiante Jeffrey, à Asbestos.

«La bataille scientifique est gagnée, mais pas la bataille politique», a affirmé Kathleen Ruff, qui vient de recevoir un prix de l'Association canadienne de santé publique pour sa lutte internationale contre l'amiante. «C'est une tragédie que les premiers ministres Charest et Harper continuent d'ignorer la science.»

Mme Ruff a lancé hier une nouvelle offensive contre l'amiante au Québec sur le thème L'Amiante tue.

La Société pour vaincre la pollution (SVP), qui pilote cette offensive, lancera en outre la campagne Une fibre près de chez vous, qui tentera de révéler les endroits où les autorités québécoises ont trouvé de l'amiante dans des édifices publics.

Selon Daniel Green, de la SVP, «l'amiante est partout». Selon une étude de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), publiée en 2008, il y en a trouvé dans 1550 bâtiments publics sur un total de 23 000. «Cela expose des gens comme vous et moi à une fibre meurtrière», dit-il.

Selon Mme Ruff, le discours de l'industrie, repris par le gouvernement du Québec, selon lequel l'amiante chrysotile peut être utilisé sans danger est «un mythe». «Depuis 100 ans, l'amiante chrysotile représente 95% de l'amiante utilisé dans le monde, et l'amiante continue de tuer 100 000 personnes par année.»

Au Québec, l'usage de l'amiante est par exemple permis dans les canalisations de ciment, à condition de ne pas les couper à sec.

L'industrie de l'amiante est sous pression alors que se réunissent à Genève les signataires de la convention de Rotterdam. Le Canada lutte pour empêcher que l'amiante chrysotile soit ajouté à la liste des substances dangereuses qui nécessitent un avis au moment d'une expédition internationale, comme le veut la convention.

Chuck Strahl témoigne

Cette semaine, une nouvelle voix s'est élevée contre l'amiante. L'ex-ministre conservateur Chuck Strahl, lui-même victime d'un cancer causé par l'amiante, a publié une lettre ouverte dans le Globe&Mail. Il y raconte comment, alors qu'il était travailleur forestier, il a été exposé à la poussière d'amiante qui émanait des freins «massifs et surdimensionnés» de la machinerie qu'il pilotait. «Parfois, ils ne duraient qu'une semaine avant d'être remplacés. L'opérateur de la machinerie était à deux pieds de l'amiante, qu'il respirait jour après jour.»

Selon M. Strahl, le Canada devrait consentir à l'ajout de l'amiante chrysotile à la liste de la convention de Rotterdam, même si, selon lui, il peut être utilisé sans danger dans certaines circonstances.

L'amiante québécois est notamment exporté en Inde, où des images récentes montrent qu'il est manipulé sans aucune précaution.

M. Strahl fait partie des victimes «chanceuses» de l'amiante: son cancer est en rémission. Et il sait comment il a été contaminé.

Ce n'est pas le cas des patients du Dr Jean Zigby, de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement, qui pratique en soins palliatifs. «J'ai beaucoup de patients qui meurent de maladies liées à l'amiante, dit-il. Des plombiers, des électriciens, des gens qui, la plupart du temps, n'ont aucune idée de la façon dont ils ont été exposés et qui n'ont pas eu l'occasion de se protéger.»

Selon Christian Simard, de Nature Québec, les nouvelles campagnes lancées hier n'ont pas pour objet de «créer un état de panique», mais bien de favoriser une réaction cohérente à la présence de l'amiante.