La belle vie, c'est fini pour les centaines de singes, des macaques rhésus et des patas, qui ont envahi depuis plus de 30 ans la vallée de Lajas dans le sud-ouest de Porto Rico. Les autorités locales ont décidé d'un plan pour capturer et tuer ces primates avant qu'ils ne se développent dans toute l'île et mettent en danger plus encore l'agriculture, les espèces locales et éventuellement les humains.

Le problème posé par le développement d'espèces non endémiques est particulièrement aigu à Porto Rico du fait de son climat luxuriant et du manque de prédateurs. Tout comme des espèces dangereuses d'alligators et de serpents qui ont été relâchées dans la nature, ces singes sont devenus un fléau, pour lequel il faudra temps et d'argent pour en venir à bout.Arrivés dans les années 60 et 70 après s'être échappés de centres de recherches situés sur des petites îles à proximité, ils sont se facilement adaptés, se nourrissant des cultures abondantes, notamment d'ananas, de melon et d'oeufs d'oiseaux. Onze colonies distinctes, soit près de 1.000 individus, peuplent aujourd'hui la vallée de Lajas et risquent de s'étendre vers le centre de l'île et la forêt, où il ne sera plus du tout possible de les atteindre.

Selon une étude du ministère américain de l'Agriculture, les dégâts engendrés par ces primates s'élèvent chaque année à 300 000 dollars et à plus d'un million de façon indirecte, puisque qu'ils obligent les fermiers à se tourner vers des cultures moins rentables qui n'attirent pas les singes. Une baisse très importante des populations d'oiseaux de la vallée leur est aussi imputable.

Les patas, ou singes rouges, originaires d'Afrique, ne sont pas utilisés pour la recherche et il y a peu de demande dans les zoos. Les macaques rhésus, originaires d'Asie, peuvent parfois, tout comme les singes rouges, être porteurs de virus comme l'herpès et l'hépatite, ce qui les rend potentiellement dangereux pour l'homme.

Les spécialistes sont toutefois sceptiques face à la décision prise ce mois-ci par les autorités pour lutter contre ces singes. «Honnêtement, je ne pense pas qu'ils arriveront à se débarrasser des singes patas à Porto Rico», estime le Dr Mark Wilson, directeur du Centre international de formation zoologique de Floride (FITZ), qui a aidé à trouver des zoos pour une partie des primates. «Ils iront peut-être plus loin dans la forêt mais ils ne s'en iront jamais. Ils sont trop nombreux et trop malins».

Dans le passé, les autorités portoricaines, manquant de moyens, ont mené de façon sporadique des actions pour contrôler les populations de singes. L'an dernier cependant, les services de l'agriculture et de la faune sauvage ont consacré 1,8 million de dollars à l'étude, la traque et l'élimination de ces primates. Après un an d'études, les gardes-chasse en ont attrapé 16 dans des cages en métal, grâce à des aliments en guise d'appât. Tandis que deux ont été relâchés avec des colliers émetteurs, les 14 autres ont été abattus d'une balle de calibre 22.

Les autorités, qui sont restées plutôt discrètes sur ce plan de contrôle, ont en effet décidé de tuer les singes par balle, une méthode jugée plus humaine que l'injection létale. Le secrétaire aux Ressources naturelles Javier Velez Arrocho dit regretter d'avoir à en arriver à cette solution, mais plaide de ne pas avoir d'autre choix après le refus de 92 organismes sollicités pour récupérer des singes.

Dans un contexte national pourtant sensible aux mauvais traitements sur animaux après deux faits divers l'an passé qui avaient déclenché de vives critiques, le contrôle des populations de singes n'a pas fait débat. «Je préfère les voir endormis à jamais plutôt que soumis à d'horribles expérimentations», admet Sally Figueroa, membre de Para Este, une association de protection des animaux basée à Fajardo (est).