Équiterre lance un pavé dans la mare en dénonçant les subventions aux hydrocarbures accordées par le gouvernement du Québec alors que la province veut réduire de 40 % sa consommation de pétrole d'ici 2030.

Selon Équiterre, Québec a attribué 1,7 milliard aux énergies fossiles depuis 2011 grâce à diverses mesures fiscales. C'est le calcul auquel est arrivé l'Institut international du développement durable (IIDD) dans une étude rendue publique mercredi.

Selon Steven Guilbault, directeur principal d'Équiterre, c'est le cas classique de la main gauche qui ne sait pas ce que fait la main droite. « Jamais personne au gouvernement ne s'est demandé si les politiques fiscales étaient cohérentes avec nos objectifs [de réduction de gaz à effet de serre (GES)]. »

Équiterre demande aussi au gouvernement du Québec d'éliminer toutes les subventions aux hydrocarbures d'ici 2025, comme l'a déjà annoncé le Canada.

Le ministre des Ressources naturelles et de l'Énergie, Pierre Moreau, a fait savoir qu'il préférait prendre connaissance de l'étude avant de la commenter.

Rien de préoccupant

Si les calculs de l'étude sont corrects, le résultat est « loin d'être scandaleux », estime Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie. « Oui, dans un souci de cohérence générale, on devrait réduire les dépenses fiscales dans les hydrocarbures, mais il n'y a rien de préoccupant. »

L'étude menée par l'IIDD pour le compte d'Équiterre conclut que « le gouvernement du Québec continue d'inciter à la consommation d'hydrocarbures dans plusieurs secteurs économiques par des exemptions ou allégements fiscaux et pose des gestes qui vont à l'encontre de ses engagements de réduction de GES à l'horizon 2030 ».

Par exemple, Québec verse en moyenne 300 millions par année en allégement à la taxe sur les carburants pour les régions frontalières. Mais Pierre-Olivier Pineau rappelle que les taxes sur l'essence au Québec sont parmi les plus élevées en Amérique du Nord. « On ne peut pas quand même comptabiliser des allégements de la taxe dans des régions frontalières [proches de l'Ontario ou des États-Unis] comme des subventions aux hydrocarbures. »

L'étude tient compte aussi des sommes versées par le gouvernement (60 millions) à titre de compensation financière pour les entreprises qui prévoyaient exploiter les ressources pétrolières de l'île d'Anticosti, dorénavant protégée par Québec.

Les vertus de l'étude sont peut-être ailleurs, signale Pierre-Olivier Pineau. L'IIDD signale entre autres la « trop grande opacité autour des sommes investies par le gouvernement du Québec dans le secteur des hydrocarbures ». « C'est clair qu'on a besoin de plus de transparence », tranche le chercheur.

Steven Guilbault, lui, dit espérer que le gouvernement prenne la balle au bond et s'engage à plus de transparence. « J'aimerais ça qu'on n'ait pas besoin de refaire cet exercice. »

Rappelons que le gouvernement du Québec s'est doté en avril 2016 d'une nouvelle Politique énergétique dont l'objectif est de réduire la consommation de pétrole de 40 % d'ici 2030.

>> Pour consulter le rapport : http://equiterre.org/sites/fichiers/iisd_rapport.pdf

***

En chiffres

1,7 milliard : Somme accordée par Québec aux énergies fossiles depuis 2011, selon l'IIDD

40 % : Réduction anticipée de la consommation de pétrole au Québec d'ici 2030

37,5 % : Réduction de 37,5 % de GES sous le seuil de 1990 d'ici 2030