Les opposants aux gaz de schiste poursuivent leur offensive contre l'entreprise albertaine Questerre, qui veut exploiter les hydrocarbures dans la vallée du Saint-Laurent.

Les militants du Comité de vigilance hydrocarbures feront une présentation mercredi à la Municipalité régionale de comté (MRC) de Lotbinière, une de celles visées par Questerre, avec la MRC de Bécancour.

Ils espèrent ainsi convaincre les élus de prendre position officiellement contre l'implantation de l'industrie pétrolière et gazière dans cette région située sur la rive sud du fleuve, à proximité de Québec.

Questerre a transmis une lettre aux MRC de Lotbinière et de Bécancour dont La Presse canadienne a obtenu copie. Dans cette correspondance, la société albertaine tente de rassurer les élus sur ses intentions de lancer des projets pilotes, telles que formulées dans un rapport destiné aux actionnaires.

Le signataire, le grand patron de Questerre, Michael Binnion, soutient que l'entreprise n'a «toujours pas de projets spécifiques en vue, même pas de projets pilotes».

Du même souffle, il tente de se faire persuasif, en indiquant: «Nous avons la certitude que le gaz naturel du Québec est plus propre que celui de la Pennsylvanie. Nous pouvons aussi dire maintenant qu'il pourrait aussi être plus compétitif et fiable. Il s'agit d'une opportunité mutuelle (sic) pour les communautés intéressées.»

La porte-parole du Comité de vigilance de Lotbinière, Carole Dupuis, ne fait pas confiance à l'entreprise. Dans une entrevue téléphonique avec La Presse canadienne, elle a rappelé que Questerre souligne toujours dans ses communications, comme ces lettres envoyées aux MRC, que l'entreprise demeure «intéressée par un potentiel développement de gaz naturel» à la suite de ses découvertes de 2008.

Le comité de citoyens réclame donc que les élus de la MRC disent non une bonne fois pour toutes à Questerre.

«Ce qu'on leur demande, c'est de sortir publiquement et fermement, de s'afficher», conformément à la position prise auparavant par la Fédération québécoise des municipalités (FQM), a-t-elle dit.

Dans leur présentation, les militants feront valoir qu'un projet pilote serait «un pied dans la porte», que l'arrivée de l'industrie entraînerait une «transformation radicale du milieu de vie», qu'«aucune communauté ne sera à l'abri», que le gouvernement a tout mis en place, avec l'adoption de la loi 35, pour l'exploitation des gaz de schiste, et que depuis l'action de Questerre a grimpé en bourse.

Le comité propose à chacune des municipalités d'adopter un «Règlement sur le rayon de protection», qui vise à empêcher le procédé d'extraction controversé qu'est la fracturation hydraulique, et demande à la MRC de les appuyer dans leur démarche.

Le projet de règlement interdit «l'aménagement d'un site de forage, de réaliser un sondage stratigraphique ou de mener une opération de complétion ou de fracturation dans un puits destiné à la recherche, l'exploration ou à l'exploitation du pétrole ou de gaz naturel dans une plaine inondable».

Le comité soutient qu'il n'y a pas d'acceptabilité sociale, puisque la population s'oppose massivement à l'industrie des gaz de schiste, notamment en raison des risques que fait poser la fracturation hydraulique sur les nappes phréatiques.

Carole Dupuis souligne toutefois que le mouvement des citoyens s'étend au-delà de la vallée du Saint-Laurent, en raison d'autres projets d'hydrocarbures en Gaspésie, au Saguenay, et aussi du projet de pipeline de TransCanada.

«Il n'y a plus de limites, (...) les compagnies ont compris que la porte était ouverte, il n'y a plus de régions à l'abri, c'est une occasion pour nous de prendre position collectivement, toutes les régions sont menacées», a-t-elle dit.

Des représentants des comités de citoyens ont également rencontré le préfet de la MRC de Bécancour, a précisé Carole Dupuis.

Une manifestation est prévue le 23 avril dans le cadre du Jour de la terre, sur le quai de Bécancour, contre TransCanada.

Une formation sur la résistance civique est par ailleurs prévue plus tard en mai, mais Mme Dupuis n'a pas donné davantage de détails.

Rappelons qu'au début des années 2010, sous le gouvernement Charest, les activités des entreprises pétrolières qui se lançaient dans la ruée vers les gaz de schiste dans les basses terres du Saint-Laurent avaient provoqué des manifestations et des affrontements.

La loi 35 adoptée en décembre dernier par le gouvernement Couillard contient des dispositions sur le forage par fracturation hydraulique, mais elle reconduit aussi la Loi limitant les activités pétrolières et gazières, qui suspend notamment l'obligation imposée aux entreprises de faire des activités sur les zones où elles ont obtenu des droits.

En septembre dernier, le premier ministre Philippe Couillard avait par ailleurs déclaré qu'«il n'y aura pas» de fracturation hydraulique dans la vallée du Saint-Laurent.