Une coalition de groupes écologistes emprunte la voie juridique pour tenter de soumettre le projet d'oléoduc Énergie Est à la réglementation québécoise en matière d'environnement.

Équiterre, Nature Québec et la Fondation Coule pas chez nous ont confirmé jeudi le dépôt d'un recours auprès de la Cour supérieure du Québec visant directement le promoteur TransCanada.

La démarche est chapeautée par le Centre québécois du droit en environnement (CQDE), qui a déjà représenté des groupes environnementaux opposés à TransCanada.

«C'est le plus gros projet industriel que l'on a jamais eu, a souligné l'avocat du Centre, Michel Bélanger. Il s'agit d'une des raisons pour s'adresser aux tribunaux.»

Malgré les demandes répétées du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC), TransCanada n'a jamais déposé d'avis de projet.

Il s'agit pourtant de la première étape afin de lancer l'évaluation québécoise visant à évaluer les impacts potentiels d'un projet sur l'environnement.

«Devant l'absence d'un avis de projet, le gouvernement doit faire des pirouettes pour élaborer un processus alternatif, s'est alarmé Me Bélanger. Si ça peut passer pour un projet comme celui-là, c'est inquiétant pour la suite des choses.»

TransCanada n'a jamais répondu aux demandes du gouvernement Couillard dans ce dossier, estimant que son projet était seulement soumis à la réglementation du gouvernement fédéral.

En raison du refus d'obtempérer du promoteur d'Énergie Est, le ministre québécois de l'Environnement, David Heurtel, a ainsi octroyé un «mandat tronqué» au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) en raison de l'absence d'études d'impact, estime la coalition.

«Le gouvernement a tenté de procéder autrement, mais ça ne donne pas les garanties légales aux citoyens, et surtout, ça ne donne aucun pouvoir d'autorisation au Québec sur le projet», a expliqué Me Bélanger.

En procédant de la sorte, affirment les groupes écologistes, le gouvernement Couillard a contrevenu à sa propre Loi sur l'environnement (LQE), vieille de 35 ans, ainsi qu'au Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement stipulant que tout oléoduc de plus de deux kilomètres est «assujetti à la procédure d'examen des impacts sur l'environnement du BAPE».

Par souci d'équité pour les autres promoteurs, Québec devrait prendre les moyens nécessaires pour que ses règles soient respectées, a également estimé Me Bélanger.

L'avocat du CQDE a par ailleurs ajouté que la coalition avait écrit au gouvernement Couillard pour lui demander de retarder le début des audiences du BAPE, qui doivent débuter le 7 mars, à Lévis, le temps que la Cour supérieure se penche sur cette action en justice.

La coalition attend toujours une réponse gouvernementale, qu'elle espère recevoir au plus tard lundi prochain, selon la lettre envoyée au ministre Heurtel.

«Actuellement, on s'en tient à une lettre, a dit Me Bélanger. On verra plus tard s'il faut prendre des mesures plus sérieuses.»

Québec devrait s'inspirer du rapport du BAPE afin de présenter sa position devant l'Office national de l'énergie (ONÉ) dans le cadre des audiences de l'organisme fédéral.

Étant donné que la coalition s'est adressée aux tribunaux, TransCanada s'est limitée à réaffirmer son engagement à participer aux audiences du BAPE, un processus «crédible et rigoureux», a indiqué le porte-parole de l'entreprise, Tim Duboyce, par courriel.

«Cela sera une occasion pour nous de répondre aux questions des commissaires et de la population au sujet du projet Énergie Est», a-t-il ajouté.

Le projet Énergie Est vise à acheminer quotidiennement sur une distance de 4600 kilomètres 1,1 million de barils de pétrole des sables bitumineux de l'Alberta jusqu'à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.

Au Québec, on prévoit 625 kilomètres de canalisation qui traverseront d'importants cours d'eau en plus de passer dans plusieurs municipalités.

Ce projet de 15,7 milliards - dont la mise en service est prévue en 2020 - s'est récemment retrouvé au coeur des débats depuis qu'il a vigoureusement été rejeté par la Communauté métropolitaine de Montréal, qui regroupe 82 municipalités et représente 3,9 millions de citoyens.