Avec la capacité de transporter 300 000 barils de pétrole par jour, la ligne 9B de l'oléoduc d'Enbridge pourrait engendrer une augmentation de la production de sables bitumineux de 12%, estiment les chercheurs de l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS) Renaud Gignac, diplômé en droit, et Bertrand Schepper, diplômé de HEC Montréal.

Ils émettent l'hypothèse que l'oléoduc transportera principalement du pétrole bitumineux de l'Alberta. En termes d'émissions de dioxyde de carbone, cela équivaudrait à la mise en service de deux centrales de charbon ou à près de 2 millions de voitures supplémentaires en circulation. Enbridge a nié le tout, hier soir, écrivant dans un communiqué que ces estimations ne sont pas fondées, puisque «le pipeline transportera principalement du pétrole léger».

Création d'emplois minime au Québec

L'inversion du flux du tronçon 9B de l'oléoduc créera-t-elle beaucoup d'emplois au Québec? Loin de là, affirment les chercheurs de l'IRIS, un groupe de réflexion de gauche. Le projet maintiendrait tout au plus les emplois existants, affirment-ils. Les retombées économiques pour le Québec seraient d'ailleurs "marginales" pour tous les projets d'exploitation du pétrole bitumineux. Selon les auteurs de l'étude, le projet de la ligne 9B d'Enbridge permettrait de créer tout au plus 350 emplois, ce qui représente moins de 1% de la création annuelle d'emplois au Québec.

Importer du pétrole, plus écolo?

Sur le plan de la consommation de pétrole, les Québécois n'achètent pas principalement du «made in Alberta». Environ le tiers de ce qui est consommé ici provient de l'Algérie. Puisque la route qui mène ces ressources jusqu'à la Belle Province est longue, serait-il plus écolo de consommer canadien plutôt qu'algérien? Pas du tout, estiment les chercheurs. «En considérant les émissions rejetées lors des phases de production, de transport et de raffinage, on constate que seul le pétrole importé du Nigeria, qui représente moins de 4% de la consommation québécoise, affiche un bilan plus lourd que les sables bitumineux», écrivent-ils.

La forêt boréale malmenée

Le projet de la ligne 9B serait néfaste pour la forêt boréale albertaine. Selon des mesures réalisées par l'Institut Pembina, citées par les chercheurs de l'IRIS, l'oléoduc entraînerait la coupe de plus de 11 500 hectares de forêt boréale, en plus de réduire à néant certains écosystèmes locaux. «Cela revient à raser l'équivalent de 29 terrains de football de forêt boréale chaque mois, pendant 40 ans, pour permettre l'extraction d'une des matières les plus polluantes de la planète», écrivent les chercheurs.

Une culture «de déviance»

Une fissure dans une autre ligne de la société Enbridge a causé en 2010 une catastrophe environnementale sans précédent au Michigan. Environ 25 000 barils de pétrole bitumineux se sont déversés et ont coulé au fond de la rivière Kalamazoo. Les opérations de nettoyage ont coûté jusqu'à maintenant plus de 1 milliard de dollars, rappellent les chercheurs de l'IRIS. L'an dernier, la Commission américaine de sécurité du transport a publié un rapport où elle concluait «qu'une culture de déviance» s'était mise en place chez Enbridge, compromettant la sécurité des activités. L'entreprise a répondu à cette critique, hier soir, en rappelant avoir investi en 2011 seulement 400 millions de dollars «pour assurer la sécurité et l'intégrité" de son réseau.

Réchauffement climatique

Enfin, les projets d'expansion prévus par l'industrie des sables bitumineux «entrent directement en contradiction avec la lutte aux changements climatiques».