La Russie a clairement exprimé ses ambitions arctiques en envoyant pour la première fois un de ses pétroliers vers la Chine via les mers polaires, une voie commerciale stratégique vers l'Asie qui pourrait s'avérer viable grâce au réchauffement du climat.

Le navire Baltika, précédé des brise-glaces à propulsion nucléaire Taïmyr et Rossia, a quitté Mourmansk (nord-ouest) à la mi-août pour ce voyage expérimental visant à déterminer la rentabilité de cette voie maritime.

«L'objectif du voyage est de déterminer la faisabilité de livraisons d'hydrocrabures régulières, sûres et économiquement viables par la voie maritime du nord (...) vers les marchés du sud-est asiatique», relève sur son site le propriétaire du Baltika, Sovkomflot.

La société note que cette voie vers l'Asie est plus difficile que le passage traditionnel via le canal de Suez en raison de la banquise et de ses eaux par endroits peu profondes. Mais cette route est en revanche beaucoup plus courte, avec 13 000 km contre 22 200.

Le développement d'une voie maritime arctique est facilité par la fonte des glaces polaires en raison du réchauffement climatique. Celles-ci pourraient avoir entièrement disparu en été d'ici 2050 et ainsi révolutionner le transport maritime international.

La Russie a fait du développement de l'Arctique une priorité stratégique, convoitant les larges ressources naturelles supposées de la région et ambitionnant d'ouvrir cette nouvelle voie commerciale dont elle aurait le contrôle.

«Notre gouvernement comprend parfaitement les perspectives de la voie maritime du nord en tant que corridor de transit et s'est fixé son développement pour objectif», relève le directeur-adjoint de Sovkomflot, Igor Pankov.

La présidence russe a adopté dès 2008 une stratégie à mettre en oeuvre d'ici 2020 visant à faire de la Russie «la puissance principale de l'Arctique».

Ce document prévoit «l'utilisation effective des voies aériennes et maritimes de transit transpolaires pour la navigation internationale» avec notamment l'adoption d'une réglementation «douanière et fiscale».

Car si cette voie maritime permettrait à la Russie d'atteindre plus rapidement les marchés asiatiques en pleine expansion et gros demandeurs d'hydrocarbures, elle ferait aussi des eaux territoriales russes une manne de revenus fiscaux.

La Russie impose déjà une taxe aux compagnies aériennes étrangères dont les avions survolent la Sibérie entre Europe et Asie.

Entre 2011 et 2015, il faut assurer «les avantages concurrentiels de la Russie en termes de production et de transport de ressources naturelles», relève la stratégie arctique russe.

Moscou réclame dès lors une extension de sa zone économique, affirmant que la dorsale de Lomonossov, chaîne de montagnes sous-marine, est une extension de son plateau continental. Cette ambition concurrence celles des autres nations arctiques: États-Unis, Canada, Danemark, Norvège.

Pour étayer ses revendications, la Russie a planté durant l'été 2007 son drapeau par 4 000 mètres de profondeur sous le Pôle nord, alors que l'Arctique contiendrait 13% des réserves de pétrole et 30% des réserves de gaz non découvertes de la planète.

Des ONG mettent en avant les dangers pour l'environnement polaire et réclament une lutte efficace contre le réchauffement climatique, plutôt qu'une simple recherche de profits.

Le premier ministre russe Vladimir Poutine, en visite dans le grand nord russe, a mis en doute lundi l'influence de l'activité humaine sur le climat, soulignant que le réchauffement qui avait entraîné la disparition des mammouths il y a des milliers d'années était survenu «sans influence humaine».