Profitant de l'engouement pour les énergies vertes, les projets de champs d'éoliennes offshore se multiplient en Europe mais cette industrie n'en est qu'à ses débuts.

Selon la Commission européenne, l'énergie éolienne pourrait couvrir environ 12% des besoins des pays membres d'ici 2020, contre seulement 4% l'an dernier, selon une étude du projet européen TradeWind.

Pour atteindre cet objectif, l'Union européenne compte notamment sur le développement de champs d'éoliennes en mer (offshore) dans le nord de l'Europe, auxquels elle veut consacrer plus de 500 millions d'euros (800 millions de dollars).

À terre, l'espace manque pour installer des parcs de grande envergure et ces installations --accusées d'être bruyantes ou de dénaturer le paysage-- ne sont pas toujours très bien vues des habitants. De plus, le vent souffle avec plus de régularité en mer, permettant donc un meilleur rendement.

Profitant du soutien politique et financier de certains pays qui en ont fait une de leurs priorités (comme le Danemark, l'Allemagne ou le Royaume-Uni), de grands groupes énergétiques se sont lancés sur ce créneau. Parmi eux, l'allemand EON.

Il s'agit de «sortir les énergies renouvelables de leur niche et de réaliser des projets à une échelle industrielle», a expliqué son patron Wulf Bernotat, à l'occasion d'un voyage de presse, alors que le numéro un allemand de l'énergie a longtemps délaissé les énergies renouvelables.

Depuis, il a mis les bouchées doubles pour rattraper son retard et compte produire 10 gigawatt d'ici 2015 avec les énergies propres, dont un tiers grâce au offshore.

Mais l'éolien en mer en est encore à ses débuts et n'est pas encore compétitif économiquement, l'électricité étant plus chère que celle produite par d'autres moyens.

«Cette industrie n'a pas encore une grande expérience, elle en est encore au stade du prototype», explique Torsten Hinsche, responsable du centre de recherche de Commerzbank sur les énergies vertes.

Seuls neuf pays au monde (tous européens) ont des parcs en activité, avec une capacité totale de 1500 MW, un chiffre qui devrait bondir entre 28 et 35 GW en 2020, selon EON.

Mais installer des éoliennes en mer est un exercice de haute voltige. Il faut en effet transporter des socles en acier ou en béton pouvant peser jusqu'à 1400 tonnes et les fixer à 20 ou 40 mètres de profondeur.

Les éoliennes à proprement dit, qui mesurent entre 80 et 120 mètres de haut et doivent résister à l'érosion saline, sont ensuite emboîtées dans ces structures à l'aide d'une grue posée sur un bateau. Sans compter tout le travail de câblage pour relier les turbines au réseau électrique terrestre.

Toute cette installation reste dépendante des conditions météorologiques et de plus, il n'existe pas de navires spécialement conçus pour le transport de ce matériel. «Je n'aurai jamais imaginé tous les problèmes créés par la mer», reconnaît Adrian Chatterton, en charge de plusieurs chantiers pour EON.

«Beaucoup de temps a été perdu pour mettre au point des infrastructures adaptées», note Claudia Kemfert, chercheuse à l'institut allemand DIW de recherche économique.

De plus, l'offshore n'est pas forcément la priorité des groupes énergétiques. Certains «n'ont pas être très pressés d'y investir car cela fait concurrence à d'autres de leurs activités» comme les centrales à charbon ou le nucléaire, estime Ulf Gerder, porte-parole de la Fédération allemande de l'éolien.

La crise économique est encore venue compliquer les choses, notamment le financement de certains projets. Mais paradoxalement, les groupes énergétiques espèrent à présent profiter des investissements publics dans les énergies vertes mis en place pour relancer la croissance.