Avec ses cheminées qui crachent 1,7 million de tonnes de dioxyde de carbone par an, la raffinerie de Mongstad est à présent le site le plus polluant de Norvège mais un projet-pilote de captage du CO2 devrait en faire un haut lieu de la lutte contre le réchauffement.

Niché sur la côte ouest, en plein pays des fjords, cet ensemble peu avenant de cylindres et de citernes accueillera en 2011 une installation-test de captage et stockage du CO2 (CCS) puis, quelques années plus tard, une autre installation, à grande échelle cette fois.

«Le CO2 est une menace réelle mais nous estimons qu'elle peut être résolue grâce aux technologies et à un changement des habitudes de consommation», explique Jon Arnt Jacobsen, un directeur du groupe pétrolier StatoilHydro, l'exploitant de la raffinerie.

Le CCS consiste à séparer le dioxyde du carbone des fumées industrielles à l'aide de solvants (amines ou ammoniaque refroidi), à le transporter par gazoduc ou bateau, et à l'enfouir sous terre ou sous les fonds marins.

Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), cette méthode devrait contribuer à hauteur d'environ 20% aux réductions d'émissions nécessaires d'ici à 2050 pour contenir le réchauffement à un niveau acceptable.

«C'est particulièrement approprié pour les centrales au charbon», a déclaré à l'AFP Rajendra Pachauri, président du Groupe d'experts sur le changement climatique qui a remporté le Nobel de la paix en 2007.

«Parce que si on continue de brûler du charbon comme on le fait dans des milliers de centrales dans le monde, on n'a pas d'autre option que de capturer le dioxyde de carbone», a-t-il dit en marge d'une conférence sur le CCS la semaine dernière à Bergen, près de Mongstad.

Selon une cible du G8, 20 projets expérimentaux de CCS devraient être annoncés à l'échelle internationale d'ici à 2010.

D'après StatoilHydro, Mongstad est le projet le plus avancé. Sur place, seule une aire en cours de terrassement trahit pour l'instant l'ambitieux projet qui permettra à la Norvège de réduire ses émissions d'environ 4%.

C'est là que le bât blesse, selon Greenpeace.

«Les émissions de CO2 doivent commencer à décliner dès 2015, ce qui veut dire que le CCS viendra trop tard», affirme Truls Gulowsen, le responsable de la branche norvégienne de l'organisation.

«Et on n'est même pas sûr que ça marche. En attendant, on construit des centrales au charbon à la pelle en utilisant l'alibi qu'un jour, peut-être, on pourra capter leur CO2», dit-il.

Pour Greenpeace, les efforts sur le CCS privent de compétences et de crédits précieux les mesures climatiques vraiment essentielles selon elle, à savoir une meilleure efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

«On n'a aucune chance sans le CCS», rétorque Frederic Hauge, président de l'organisation norvégienne de l'environnement Bellona.

«Parce qu'il faut beaucoup de silicium pour faire les cellules solaires, beaucoup d'acier pour les éoliennes, beaucoup d'engrais pour la biomasse. Ca demande beaucoup d'énergie et si on développe toutes ces énergies renouvelables, les émissions de CO2 s'envoleront en l'absence de CCS», dit-il.

Mais la question du coût se pose aussi car le CCS est encore loin d'être viable du point de vue commercial.

Selon StatoilHydro, il en coûtera entre 1300 et 1800 couronnes (entre 232 et 320$) par tonne de CO2 capturée, à quoi viendront s'ajouter les coûts de transport et de stockage.

À Mongstad, l'État norvégien a accepté de prendre en charge le coût de construction et d'exploitation à sa charge mais ailleurs, industriels et énergéticiens pourraient être tentés de se tourner vers l'achat de crédits carbone.

Aujourd'hui, le permis de polluer ne coûte que 24$ la tonne.