L'exploitation des gigantesques réserves pétrolières et gazières de l'Arctique présente d'importantes contraintes et risque d'affecter ce vaste écosystème déjà bouleversé par le réchauffement climatique, estiment des experts.

La Russie, les États-Unis, le Canada, le Danemark et la Norvège sont tous engagés - à différents degrés - dans une course pour exercer et étendre leur souveraineté sur l'Arctique pour des raisons stratégiques, politiques et énergétiques.L'agence gouvernementale américaine de recherche géologique (USGS) a récemment estimé à 412 milliards de barils équivalent pétrole les ressources inexploitées d'or noir et de gaz dans le cercle Arctique. Et 84% de ces réserves se situent au large.

Des sites offshore près des côtes septentrionales de l'Alaska produisent déjà depuis des années du pétrole et du gaz naturel, mais l'exploitation d'hydrocarbures plus au nord dans l'Arctique n'est pas chose facile.

La gouverneure de l'Alaska, Sarah Palin, choisie par John McCain comme colistière dans la course à la Maison blanche, est une grande partisane de l'extension des forages pétroliers dans cet État américain.

La fonte sans précédent des glaces observée ces dernières années pendant la saison estivale facilite en théorie l'accès et l'exploitation de ces ressources dont une partie se situe dans des zones polaires de l'océan Arctique où aucune puissance nordique n'a pour l'instant de juridiction.

«Dans certaines régions, comme dans l'Arctique canadien et en Alaska, les glaces posent encore un problème à l'exploitation pétrolière et gazière. Ailleurs, comme au nord-est du Groenland, la fonte facilitera l'accès» aux ressources, explique dans un courriel à l'AFP Don Gautier, spécialiste à l'USGS.

Selon les estimations de glaciologues, l'océan Arctique pourrait être libéré des glaces pendant toute la période estivale d'ici à 2030 en raison du réchauffement climatique, dont l'effet est plus intense aux pôles.

«Mais lorsque vous parlez d'installations permanentes, que ce soit des structures offshore ou de transport maritime toute l'année, vous faites encore face à un environnement hostile» pendant le reste de l'année, note Hajo Eicken, professeur à l'Université de l'Alaska à Fairbanks.

Le Fonds mondial de la nature (WWF) juge «dangereuse» l'exploitation des hydrocarbures de l'Arctique, qui accélérera selon ce groupe environnemental les effets du changement climatique.

«Les dommages dans ces régions pourraient être importants parce que l'écosystème y est plus vulnérable», dit Christian Haas, professeur à l'université d'Alberta, citant le cas éventuel d'une marée noire ou de la modification de la trajectoire de migration des caribous et des baleines.

Dans l'Arctique, la couche de glace sur l'océan et la neige reflètent les rayons du soleil. Lorsque la fonte des glaces s'accentue, cette chaleur est absorbée par l'océan Arctique et le sol, ce qui amplifie le réchauffement, un phénomène baptisé «ice-albedo feedback» (rétroaction de l'albedo des glaces).

Ce réchauffement pourrait aussi libérer d'importantes quantités de dioxyde de carbone (CO2) piégées dans l'Arctique. Or une plus grande présence de CO2, le principal gaz à effet de serre (GES) produit dans le monde par la combustion d'hydrocarbures et de charbon, amplifierait le réchauffement planétaire et donc la fonte des glaces.

Mais «l'exploration des ressources de l'Arctique ne signifie pas nécessairement de plus grandes émissions» de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale si d'autres efforts sont entrepris pour les réduire, en développant par exemple des énergies renouvelables en parallèle, tempère M. Haas.