L'exploitation à ciel ouvert des sables bitumineux d'Athabasca dans la province de l'Alberta, à l'ouest du Canada, serait deux à trois fois plus polluante et risquée pour l'environnement et la santé humaine qu'estimé initialement, selon une étude canadienne publiée lundi aux États-Unis.

Cette recherche montre que les émissions d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) calculées initialement pour autoriser l'exploitation des sables bitumineux de la région d'Athabasca sont probablement trop faibles, notent les auteurs de ces travaux parus dans les Comptes-rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS).

«Nous avons notamment découvert que les estimations officielles des émissions d'un groupe particulier de ces substances toxiques (HAP) utilisées dans les études d'impact environnemental sont trop basses, ce qui fait que la possibilité d'un risque pour la santé humaine et l'environnent a été sous-estimée», précise Frank Wania, professeur de sciences environnementales à l'Université de Toronto (Canada), qui a conduit cette étude.

Pour parvenir à ces conclusions ces chercheurs ont analysé les données sur les émissions de HAP rejetées directement dans l'atmosphère par l'extraction du bitume et également celles provenant de l'évaporation des bassins de décantation, qui «pourraient être une source beaucoup plus importante de ces contaminants dans l'air qu'estimé», explique-t-il.

Les auteurs de l'étude ont également comparé les estimations officielles d'hydrocarbures et leur densité dans la région d'Athabasca à celles de 200 pays dans le monde. Ils ont constaté que ces estimations avaient été largement sous-estimées: elles étaient quasiment les plus faibles, même inférieures à celles du Groenland où il n'y a pas d'exploitation d'hydrocarbure.

«Ceci est un autre indicateur que les estimations officielles d'émissions de HAP de l'Alberta sont inexactes et incomplètes», souligne le professeur Wania.

Source majeure d'inquiétude

Mais celui-ci note aussi une évolution encourageante depuis ces toutes dernières années puisque l'agence environnementale fédérale canadienne, en collaboration avec le gouvernement de la province d'Alberta, a accru ses activités de surveillance de l'impact de l'exploitation des schistes bitumineux dans cette région.

En 2010, un rapport d'experts de l'académie canadienne des arts, des lettres et des sciences, la Société Royale du Canada, concluait à «des impacts minimaux du développement des sables bitumineux sur la qualité de l'air de la région à l'exception des problèmes posés par les émissions toxiques d'oxyde d'azote les deux dernières années».

«Le contrôle de ces émissions et le risque d'acidification régionale demeurent des préoccupations valables», ajoutaient ces experts.

Le potentiel de pollution de ces hydrocarbures est une source majeure d'inquiétude des groupes américains de protection de l'environnement opposés au projet d'oléoduc Keystone XL, entre l'ouest du Canada et les raffineries du Golfe du Mexique aux États-Unis.

Le Département d'État américain a publié vendredi un rapport d'étape qui conclut à l'absence d'impact significatif sur la plupart des ressources le long du tracé proposé du projet. Le président Barack Obama devra trancher.

Les schistes bitumineux de l'Alberta représentent la troisième plus grande réserve prouvée de pétrole brut dans le monde. Elle devrait contribuer pour 2280 milliards de dollars canadiens au Produit intérieur brut du pays de 2010 à 2035.

Actuellement, la plus grande partie du bitume est extraite à ciel ouvert, ce qui nécessite d'enlever la végétation et entraîne une perte d'habitat, de couloir de migration pour les oiseaux et de zones de reproduction pour la faune sauvage.

Le plus grand gisement exploitable de bitume s'étend sur 4800 kilomètres carré. Il s'agit de celui d'Athabasca et des environs de la région de Fort McMurray, dans le nord-est de la province.

Le processus d'extraction du bitume en surface et jusqu'à cent mètres de profondeur consiste à le séparer des autres éléments formant ces sables bitumineux avec de l'eau chaude à haute pression.

L'eau chargée des résidus de l'extraction est acheminée dans des bassins de décantation. Elle contient de petites quantités de résidus de bitume, du sable, de l'argile, des métaux dissouts et des composants organiques, notamment les HAP dont seize sont classés comme d'importants polluants par l'Agence américaine de protection de l'Environnement (EPA).