Le sort d'un projet de pipeline de 7 milliards de dollars qui augmenterait les exportations de pétrole en provenance des sables bitumineux vers les États-Unis pourrait bientôt être entre les mains du président Obama.

En effet, hier, l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (EPA) a rejeté pour la deuxième fois l'analyse des impacts du projet Keystone XL réalisée par le département d'État, le ministère américain des Affaires étrangères.

Selon Liz Barratt-Brown, avocate en chef du Natural Resource Defense Council, important groupe écologiste américain, le président Obama pourrait être appelé à trancher le désaccord qui persiste entre l'EPA et le département d'État.

«L'affaire peut maintenant atterrir sur le bureau du Président, a dit Mme Barratt-Brown à La Presse, en entrevue téléphonique de Washington. En tout cas, nous allons maintenant nous concentrer sur la Maison-Blanche dans ce dossier.»

Le projet Keystone XL de la société TransCanada a fini par attirer beaucoup d'attention aux États-Unis. Lors de sa consultation, le département d'État a reçu 265 000 commentaires.

Le pipeline partirait de Hardisty, au nord-est de Calgary, et traverserait le Montana, le Dakota-du-Sud, le Nebraska, le Kansas pour rallier des raffineries situées en Oklahoma et au Texas.

En avril, le président Obama a commenté le projet Keystone, en mentionnant, au sujet des sables bitumineux, qu'«il y a des questions environnementales sur leur potentiel destructeur» et qu'il «faut examiner toutes ces questions».

Le commentaire du président Obama a valu une réplique acerbe du ministre albertain de l'Énergie, Ron Liepert. «Franchement, j'aimerais qu'il passe à l'action», a-t-il dit, selon le Calgary Herald. «On pourrait lui donner tous les briefings qu'il veut et il pourrait prendre 15 minutes pour lire là-dessus, alors je souhaite seulement qu'il signe la maudite autorisation (the bloody order) et qu'il se grouille.»

Nouvelle manche

L'avis de l'EPA signé hier ouvrira peut-être une nouvelle manche dans l'effort diplomatique canadien pour faire accepter son pétrole jugé «sale» aux États-Unis et en Europe.

Mais cet effort se heurte à une opposition grandissante, affirme Gillian McEachern, du groupe Environmental Defence, à Ottawa.

Mme McEachern s'est rendue à Washington il y a deux semaines pour expliquer les impacts du projet et dénoncer l'inaction du gouvernement canadien dans le domaine des changements climatiques. «Cela m'a vraiment ouvert les yeux parce que c'est difficile de comprendre à Ottawa à quel point ce sujet est important à Washington», a-t-elle dit en entrevue à La Presse.

Pendant son séjour, elle a rencontré des hauts responsables des trois ministères américains concernés (EPA, États et Énergie) ainsi que des représentants au Congrès et des sénateurs.

Selon Mme Barratt-Brown, si on tient compte de la pollution additionnelle attribuable aux sables bitumineux, certains efforts de l'administration américaine pour réduire la pollution sont anéantis. «Par exemple, les gaz à effet de serre additionnels des sables bitumineux élimineraient complètement les réductions qu'on obtiendrait du nouveau programme de l'EPA pour augmenter l'efficacité des camions», dit-elle.

Ce sont surtout les risques pour les populations locales que le département d'État a sous-estimés, affirme l'EPA.

Mais le projet Keystone XL compte aussi beaucoup d'appuis. Le 21 avril dernier, deux sénateurs républicains et le gouverneur de l'Oklahoma ont écrit à la secrétaire d'État Hillary Clinton pour la presser de l'approuver.

Dans leur lettre, ils affirmaient que le futur pipeline était susceptible d'agir à la baisse sur le prix de l'essence, un sujet sensible pour le président Obama.

Au moment d'écrire ces lignes hier après-midi, la société TransCanada n'avait pas encore réagi à l'avis de l'EPA sur son projet.