Après un an passé à se payer des panneaux publicitaires à l'étranger, un flot quasi incessant de politiciens américains et de célébrités hollywoodiennes, et un procès fort médiatisé à propos de la mort de 1600 canards sauvages, il pourrait être difficile d'imaginer comment les sables bitumineux de l'Alberta pourraient faire davantage parler d'eux en 2011. Quoique...

«Nous envisageons de doubler nos investissements dans cette campagne en 2011», promettait récemment Michael Marx, du groupe environnemental Corporate Ethics.

«Plusieurs campagnes qui sont lancées contre l'industrie pétrolière ciblent le pétrole comme ennemi public numéro un», rétorque Janet Annesley, de l'Association canadienne des producteurs pétroliers. «Cette discussion doit s'élever à un autre niveau au Canada.»

Les sables bitumineux ont pratiquement fait les manchettes chaque semaine en 2010 au Canada: visite très médiatisée du réalisateur hollywoodien et environnementaliste James Cameron, procès et condamnation de Syncrude Canada pour la mort de canards migrateurs dans l'un de ses bassins de rétention, tournée de législateurs américains - dont la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi - venus voir les sables bitumineux par eux-mêmes, visite à Washington d'autochtones albertains pour expliquer leur point de vue sur la question...

Une poignée d'importantes sociétés américaines ont annoncé qu'elles éviteraient d'acheter du pétrole provenant des sables controversés. Une coalition de groupes de protection de la nature a attaqué l'image de bon élève du Canada en matière d'environnement, avec une campagne d'affichage de panneaux-chocs aux États-Unis et en Europe.

Le gouvernement albertain a répliqué avec une campagne de son cru, suivie par une initiative semblable de la part de l'industrie. Des ministres albertains ont sillonné le continent pour défendre les techniques d'extraction de l'industrie, tandis que des environnementalistes ont présenté des résolutions lors d'assemblées annuelles des actionnaires à Londres et Oslo pour questionner l'implication des grands noms du secteur de l'énergie dans les sables bitumineux.

«Il s'agit d'une campagne de relations publiques beaucoup plus importante que ce à quoi la plupart d'entre nous s'attendaient», a convenu Jennifer Grant, de l'Institut Pembina, un groupe environnemental de réflexion. «Il y a beaucoup de rhétorique qui circule.»

Des sondages

Le sondeur David Coletto, d'Ottawa, qui s'est penché sur la question plus tôt cet automne, a découvert que bien que les Canadiens tendent à avoir une mauvaise opinion du secteur énergétique, plus de 40 pour cent d'entre eux avaient une opinion favorable des sables bitumineux.

Un sondage Harris Décima mené le printemps dernier pour l'Association des producteurs pétroliers suggère que deux tiers des Canadiens ont une opinion favorable des compagnies exploitant les sables bitumineux. Les répondants croyaient toutefois fortement que cette ressource naturelle posait des défis environnementaux importants. Environ deux fois plus de répondants souhaitaient que l'exploitation des sables soit stoppée comparativement à ceux qui désiraient que le développement s'accélère à vitesse grand V.

De son côté, un coup de sonde Léger Marketing réalisé l'été dernier pour le magazine Alberta Oil laissait croire que les Canadiens étaient également divisés quant à savoir si le développement des sables bitumineux devait être mis en veilleuse le temps que des méthodes plus «vertes» soient mises au point. Le même sondage suggère qu'un tiers des Canadiens ne faisaient pas confiance aux compagnies énergétiques, aux gouvernements, aux chercheurs ou aux environnementalistes pour obtenir des informations sur les sables bitumineux.

À l'extérieur du pays, de telles recherches sont difficiles à trouver. Liz Barrat-Brown, du Conseil de défense des ressources naturelles à Washington, indique toutefois que des groupes échantillons aux États-Unis - particulièrement après l'important déversement de pétrole dans le golfe du Mexique - suggèrent que les gens commencent à associer les sables bitumineux à des procédés d'exploitation plus dangereux, comme le forage en eaux profondes.

Selon Mme Barrat-Brown, les sondages en ligne du Conseil suggèrent que les Américains ne veulent pas que leur économie soit liée au pétrole des sables bitumineux, et préféreraient un changement de cap vers les énergies renouvelables.

De son côté, l'industrie pétrolière a organisé à ses frais des tables rondes dans des villes canadiennes et américaines.

«Nous avons tenté d'obtenir un mélange de leaders d'opinion provenant du monde des affaires, des organismes non gouvernementaux, des premières nations, et des gens qui, généralement, pourraient être intéressés par ce type de discussion», a dit Bruce Carson, directeur de la faculté de l'énergie et de l'environnement à l'Université de Calgary. C'est lui qui a dirigé les débats, à la demande de l'Association des producteurs pétroliers.

Le lobby environnemental espère ouvrir de nouveaux fronts au cours de la prochaine année. Michael Marx a indiqué que Corporate Ethics tentera d'exporter dans de nouveaux pays sa campagne «Rethink Alberta» (Un séjour en Alberta? Pensez-y à deux fois).