Des agriculteurs démunis devant une industrie puissante, l'eau surexploitée et une atmosphère polluée: l'Union des producteurs agricoles (UPA) est revenue préoccupée de sa mission d'observation sur l'industrie du gaz de schiste en Pennsylvanie.

«On est allés à Pittsburgh et dans les environs, dit Pierre Lemieux, premier vice-président général de l'UPA, en entrevue à La Presse. Il y aurait beaucoup de travail à faire pour qu'on soit capables de bien encadrer cette industrie au Québec.»

«Ça a confirmé en grande partie nos préoccupations pour l'eau, a-t-il précisé. Dans certains cas, l'industrie et le monde agricole sont en compétition pour l'accès à l'eau.»

M. Lemieux dit avoir observé que dans leurs rapports avec l'industrie, les agriculteurs sont désavantagés. «Les producteurs agricoles sont isolés, dit-il. Ils sont dépourvus [de moyens] pour détecter les risques et faire valoir leurs droits.»

Une entente-cadre

L'UPA détient l'une des clés de la croissance de l'industrie du gaz de schiste au Québec. Depuis l'an dernier, l'UPA négocie avec l'Association pétrolière et gazière du Québec afin de convenir d'une entente-cadre sur l'implantation de l'industrie sur des terres agricoles. Une fois cette entente-cadre conclue, l'industrie ferait face à moins d'opposition, y compris devant la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ).

Ces négociations se poursuivent, même si aucune entente ne sera conclue avant que les travaux de l'Évaluation environnementale stratégique ne soient terminés, en 2013, dit M. Lemieux.

«Disons que c'est une industrie qui a avantage à être très transparente et à attendre le résultat de toutes les études», dit M. Lemieux.

En Pennsylvanie, celui-ci dit avoir observé que certains propriétaires terriens, dont quelques agriculteurs, sont très contents de la venue de l'industrie. En effet, dans cet État, et contrairement au Québec, les propriétaires de la surface sont aussi titulaires des droits miniers et retirent des redevances substantielles de l'exploitation gazière, en plus de toucher une importante somme à la signature du bail d'exploration.

Inégalité des bénéfices

Mais dans bien des cas, dit M. Lemieux, les droits miniers ont été démembrés il y a plusieurs décennies, lorsqu'on cherchait des gisements de charbon dans la région. Ces mêmes droits sont aujourd'hui déterrés par les sociétés gazières pour avoir accès au schiste. «Il y a beaucoup de travail pour les notaires!», dit M. Lemieux.

Ce qui fait que les bénéfices de l'industrie sont répartis inégalement dans les communautés, dit-il. «Ici, il va falloir qu'il y ait un partage équitable entre les gens qui sont concernés par les inconvénients», précise-t-il.

L'utilisation de l'eau et la gestion de l'eau usée sont un enjeu important pour l'UPA. «En Pennsylvanie, au départ, ils rejetaient directement dans les rivières et ils se sont aperçus que ça nuisait à la vie aquatique, dit-il. Ensuite, ils ont rejeté dans les usines de traitement municipales qui n'étaient pas efficaces pour ça. Aujourd'hui, on réinjecte l'eau dans des puits profonds. Au Québec, on s'interroge grandement sur le procédé qui sera adopté.»

Il est revenu de Pennsylvanie avec une préoccupation nouvelle pour la qualité de l'air. «On s'est rendu compte qu'il y avait des odeurs dans la région, dit-il. Il y a aussi le bruit qui est un élément de dérangement.»

Kennedy retire son appui à l'industrie

Deux ans après avoir donné son appui à l'industrie du gaz de schiste, qui aurait permis selon lui de réduire la consommation de charbon aux États-Unis, l'environnementaliste Robert F. Kennedy Jr se ravise.

Devant ce qu'il appelle une «superbe enquête journalistique» du New York Times, M. Kennedy affirme que l'industrie gazière est devenue «sa propre pire ennemie» en combattant la vérité, en finançant de faux groupes de pression et en tentant d'intimider le journal new-yorkais.

Dans une lettre ouverte publiée par le site Huffington Post, il cite entre autres de récentes études qui montrent que l'exploitation du gaz de schiste provoque le relâchement de fortes quantités de méthane, ce qui annule l'avantage du gaz sur le charbon du point de vue des gaz à effet de serre. Il cite une autre étude qui montre que le cancer du sein a diminué partout au Texas sauf dans six comtés où l'industrie gazière pollue l'air. Il dénonce enfin le penchant de l'industrie pour le secret.