Les entreprises qui veulent tirer profit du gaz de schiste contenu dans le sous-sol du Québec n'acceptent pas toutes les conclusions du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, mais elles sont tout à fait d'accord pour soumettre leurs projets à une évaluation environnementale.



«C'est la bonne chose à faire», a soutenu lundi le porte-parole de l'industrie, Lucien Bouchard, dont c'était la première conférence de presse dans ce nouveau rôle controversé.

Avec un calme qui contrastait avec la fougue de son prédécesseur André Caillé, l'ancien premier ministre a d'abord lu un texte de deux pages dans lequel il assure que l'industrie participera au comité chargé de réaliser l'étude environnementale stratégique proposée par le BAPE.

Les membres de l'association «considèrent que le développement des ressources gazières ne se réalisera qu'à la condition de passer le test de l'intérêt public», a assuré M. Bouchard.

Même si cette étude pourrait prendre de 24 à 30 mois, l'industrie estime qu'elle y gagnera puisqu'elle pourra continuer certaines activités de fracturation ainsi que des travaux d'exploration afin d'alimenter les travaux du comité. «Telles activités apporteront une indispensable contribution à la connaissance économique de la ressource», a fait valoir Lucien Bouchard, dont la rémunération comme porte-parole de l'industrie vient de Talisman, un de ses acteurs les plus importants.

L'ancien premier ministre a rappelé que la valeur commerciale de la ressource n'est pas encore prouvée. Le répit proposé par le BAPE permettra à l'industrie de savoir si le gaz de schiste du Québec est exploitable d'un point de vue financier, a-t-il dit.

M. Bouchard a dit que l'industrie avait fait des erreurs, mais qu'elle n'avait rien fait d'illégal. Les entreprises ont fait ce qu'elles font partout ailleurs, mais quelqu'un quelque part a oublié qu'il n'y avait aucune «culture» de pétrole et de gaz au Québec, a-t-il expliqué. «Il y a eu un choc au Québec, nous l'avons tous réalisé.»

«Nous sommes maintenant en présence d'une possibilité de rectifier tout cela», a-t-il dit. En échange, l'industrie s'attend à ce que le gouvernement lui permette de conserver ses permis même si elle ne remplit pas tous ses engagements d'investissements.

100 millions d'investissements

Les entreprises actives au Québec prévoyaient investir ensemble environ 100 millions au Québec en 2011, selon une source de l'industrie. Talisman, par exemple, prévoyait des fracturations à ses puits de Fortierville et de Sainte-Gertrude.

Il n'a pas été possible de savoir quelle portion de ces investissements pourra être réalisée quand même.

M. Bouchard n'a pas permis aux deux représentants de l'industrie qui l'accompagnaient, Jim Fraser, de Tasliman, et Jean-Yves Lavoie, de Junex, de répondre à des questions supplémentaires à la fin de la conférence de presse. «Pas de scrum», a-t-il ordonné avant de quitter les lieux.

Les réactions de l'industrie du gaz de schiste arrivent une semaine après la publication du rapport du BAPE et la prise de position du gouvernement en faveur de ses conclusions.

Lucien Bouchard estime néanmoins qu'il s'agit d'une réaction rapide étant donné qu'il a fallu faire traduire le rapport en anglais et que l'association compte 12 membres dont certains sont aussi loin qu'en Australie. «On a travaillé toute la fin de semaine, on se trouve très bons d'avoir été aussi vite», a-t-il dit.

Si, dans l'ensemble, l'industrie est d'accord avec les recommandations du BAPE, elle s'insurge contre l'affirmation selon laquelle elle a eu pour rien des permis qui valent aujourd'hui des milliards de dollars.

«On ne peut absolument pas comparer» la valeur actuelle des permis à celle qu'ils avaient quand ils ont été délivrés, en 2008, a plaidé Lucien Bouchard. Le BAPE a également tort, selon lui, de comparer les droits obtenus par le gouvernement en Alberta, où il y a des réserves prouvées, à ceux du Québec où rien n'est encore acquis.

«Si on veut nous comparer, qu'on nous compare au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse.»

Lucien Bouchard souhaite que le comité soit formé le plus rapidement possible et qu'il puisse commencer ses travaux avant la fin du mois d'avril.