Après avoir rétrogradé, le gouvernement Charest passe au point mort. Pour l'instant. Il manque trop de réponses cruciales pour entreprendre prudemment l'exploitation du gaz de schiste, affirme le BAPE, et Québec accepte les conclusions de l'organisme. De toute évidence, les choses se corsent pour l'industrie.

evant les très nombreuses incertitudes qu'elle fait planer sur l'environnement, l'exploitation du gaz de schiste ne pourra pas démarrer au Québec avant une évaluation environnementale stratégique. C'est la principale conclusion du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) dans son rapport sur l'exploitation du gaz de schiste.

Les réponses à certaines questions fondamentales sont «partielles ou inexistantes «, affirme le rapport, rendu public hier par le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP), Pierre Arcand.

Dans une entrevue avec La Presse, le ministre Arcand a affirmé que le gouvernement et lui se rangent à l'ensemble des recommandations du BAPE, y compris à celle de lancer une évaluation environnementale stratégique (EES) semblable à celle qui, l'an dernier, a mené au rejet de l'exploitation pétrolière et gazière dans l'estuaire du Saint-Laurent.

Selon le ministre Arcand, l'EES « est un outil mondialement reconnu, c'est la meilleure approche possible «. Reprenant les termes du BAPE, il estime que c'est un «passage obligé» pour l'industrie. Le processus prendrait de «18 à 30 mois» et pourrait être lancé en juin, dit-il.

Le ministre n'exclut pas qu'il mène à une conclusion défavorable : «Si demain matin une évaluation arrivait à cette conclusion, il va falloir passer à autre chose», a-t-il dit en conférence de presse, après avoir martelé que le gouvernement ne ferait «aucun compromis « sur des questions comme la qualité de l'eau, la santé et la sécurité.

Cela ne veut pas dire qu'il y aura un moratoire dans l'intervalle. Mais les choses vont se compliquer pour l'industrie.

Comme le recommande le BAPE, c'est le comité scientifique de l'EES qui déterminera «les besoins en travaux de terrain et projets pilotes «. «Les travaux d'exploration vont pouvoir se poursuivre dans la mesure où ils vont permettre de parfaire nos connaissances scientifiques», a dit M. Arcand. Il précise en outre que «le gouvernement n'autorisera pas de nouveau forage sans consultation publique».

M. Arcand prévoit allouer un budget d'environ 2 millions au secrétariat de l'étude. Les travaux seraient dirigés par un comité de 5 à 10 experts issus du gouvernement, des municipalités, de l'industrie et des universités.

Le rapport du BAPE contient une centaine de recommandations. Le gouvernement les juge «acceptables» dans leur ensemble, selon M. Arcand.

Le BAPE conclut en proposant que le MDDEP hérite de la mission d'encadrer l'industrie, au détriment du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), afin de favoriser «la surveillance et le contrôle intégré des ressources». C'est un rejet du modèle de commission pétrolière et gazière à «guichet unique « adopté par la Colombie-Britannique et préconisé par l'industrie.

Sur la question capitale de la contamination à long terme due à l'injection de produits chimiques dans le sous-sol, le BAPE rejette net le discours de l'industrie : « Il n'y a actuellement aucune étude validée par des travaux de terrain qui permet d'évaluer le risque que poserait cette situation pour l'immédiat ou pour les générations futures «, affirment les commissaires.

À cet égard, le ministre Arcand a annoncé que l'utilisation de produits qui comportent des risques pour la santé sera interdite.

Des critiques

Le BAPE se montre critique des pratiques de l'industrie au Québec. Il souligne par exemple que Talisman Energy n'a pas pris de «précautions particulières» à l'égard des zones recouvertes d'argiles sensibles. Il croit que « les risques technologiques liés à l'industrie devraient être documentés en français «.

Le BAPE souligne aussi les failles du gouvernement qui, par exemple, n'exige pas que les compagnies d'assurances couvrent le risque d'accident gazier, comme c'est le cas par exemple en Alberta.

Le BAPE ne se contente pas de souligner les incertitudes environnementales. Il se prononce aussi sur plusieurs questions économiques.

Il presse le gouvernement de « récupérer le plus rapidement possible le manque à gagner en raison de faibles montants des droits qui ont été exigés lors de l'attribution initiale des droits d'exploration». Il ajoute que le MRNF ne devrait «pas autoriser le transfert de permis à un tiers, de façon à ce que les entreprises ne puissent désormais obtenir de permis que par la voie de l'enchère».