Comme elle estime que le débat est mal engagé, la Fédération des travailleurs du Québec demande à son tour un moratoire sur l'industrie du gaz de schiste, tout en demeurant en faveur de son exploitation.

«On propose un temps d'arrêt, appelez ça un moratoire», a dit hier Michel Arsenault, président de la centrale syndicale, au cours d'une séance du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). Les prix sont bas, le marché est saturé, les coûts d'exploitation sont élevés. Les scientifiques n'ont pas eu le temps de faire toutes les validations sur les questions qu'on se pose.»

«Sur le plan social, ça ne passe pas à cause de toutes sortes d'erreurs, constate M. Arsenault. Les sondages montrent que les gens ne font pas confiance à l'industrie. Avec un débat plus générique, l'industrie aurait le temps de s'expliquer avec plus de crédibilité. On le sait, les gens bien informés appuient les bonnes décisions.»

La FTQ s'inquiète aussi de savoir si le gouvernement sera à même de prélever un niveau suffisant de redevances. Elle prend pour modèle la Norvège, qui prélève des redevances de 50% et les verse dans un fonds intergénérationnel.

Promesses mises en doute

De son côté, Pierre Batellier, coordonnateur du développement durable à HEC Montréal et chargé de cours en responsabilité sociale des entreprises, a remis en doute les promesses économiques du gaz de schiste, en dénonçant «l'absence d'une analyse sérieuse et indépendante des coûts et bénéfices».

«On n'a pas d'étude publique sur les retombées, a-t-il dit. Celle de l'industrie réalisée par SECOR a été rendue publique seulement en partie, sans méthodologie.» Dans toute étude, on devra tenir compte de facteurs comme la baisse de valeur des maisons et la hausse des coûts d'assurance qu'entraînera le voisinage de l'industrie, a-t-il dit. «Aux États-Unis, la Louisiane est l'État le plus riche en hydrocarbures, mais aussi le plus frappé par la pauvreté», a-t-il souligné.

L'Association pétrolière et gazière du Québec, a fait entendre un tout autre son de cloche.

«Les cinq principaux États américains producteurs de gaz de schiste ont tous un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale et, dans certains cas, l'écart est marqué. En outre, un examen des données sur les comtés de Pennsylvanie révèle une corrélation marquée entre l'augmentation des forages et la diminution du taux de chômage», estime-t-elle dans son mémoire.

Après 15 séances publiques d'information, sans parler des rencontres de l'industrie, c'est Jean Gosselin, agriculteur de Pintendre, près de Lévis, qui a le mieux illustré l'impact à moyen et long terme du projet d'exploitation gazière. Il a reproduit sur une image aérienne de son village un réseau de puits et de gazoducs d'une densité comparable à celle atteinte dans d'autres régions d'Amérique du Nord. «On va briser à jamais une trame agricole qu'on a mis des générations à construire, dit M. Gosselin. Il faut la défendre bec et ongles. On croit que l'Union des producteurs agricoles devrait avoir une vision plus globale et regarder les impacts cumulatifs. De son côté, la Commission de la protection du territoire agricole gère au cas par cas.»

Un agronome qui agit à titre de consultant dans l'industrie, Réjean Racine, a pourtant affirmé qu'il n'a pu détecter d'impact négatif de l'exploitation gazière sur des terrains agricoles réaménagés après le retrait d'une plateforme de forage.

Un agronome qui agit à titre de consultant dans l'industrie, Réjean Racine, a pourtant affirmé de son côté qu'il n'a pas pu détecter d'impact négatif de l'exploitation gazière sur des terrains agricoles réaménagés après le retrait d'une plateforme de forage et la remise en place de la terre arable.

Le BAPE a aussi entendu plusieurs responsables municipaux, qui ont tous demandé un moratoire sur l'industrie.