Resté à l'écart du débat jusqu'ici, Équiterre demande à son tour un moratoire sur la prospection et l'exploitation du gaz de schiste au Québec.

«Actuellement, on ne voit pas comment cette filière serait bénéfique pour le Québec d'un point de vue de développement durable», a dit Steven Guilbeault, coordonnateur général adjoint de l'organisme.

 

«On demande la fin de la récréation, dit M. Guilbeault. Le gouvernement et l'industrie doivent faire leurs devoirs. Il y a énormément de questions, notamment sur les gaz à effet de serre.»

«C'est vrai que le gaz naturel est celui qui émet moins de gaz à effet de serre au moment de sa combustion, mais il en émet beaucoup au moment de son extraction, dit Hugo Séguin, conseiller principal d'Équiterre. Il fait partie du problème.»

Selon un rapport préliminaire d'une quarantaine de pages produit par Équiterre, l'exploitation du gaz de schiste fera augmenter de 2% les émissions québécoises de gaz à effet de serre. «C'est l'équivalent du Suroît», dit M. Séguin.

Cela va compliquer l'atteinte de l'objectif fixé par le gouvernement Charest, qui est de réduire les émissions annuelles de gaz à effet de serre de 20% à l'horizon 2020 par rapport aux émissions de 1990.

En fait, selon Équiterre, l'exploitation du gaz de schiste impliquerait que d'autres secteurs industriels fassent encore plus d'efforts pour compenser. «Et qui ce sera? Les alumineries, les papetières, les cimenteries?» demande M. Séguin.

«Jusqu'à maintenant, personne n'a dit qu'on maintenait le cap de réduction sur 2020 malgré l'exploitation du gaz de schiste», dit de son côté M. Guilbault.

Questionnée à ce sujet par La Presse, la porte-parole du ministre Pierre Arcand, titulaire du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP), n'a pu fournir de précisions hier. «Ce que je peux dire, c'est que nous respecterons nos objectifs de réduction», a dit Sara Shirley.

Pas assez de temps

Équiterre joint aussi sa voix à celles des personnes qui estiment que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) n'a pas assez de temps pour réaliser son enquête sur l'implantation de cette industrie au Québec.

D'autant plus que la question est mal posée, dit M. Guilbeault. «Le mandat devrait être élargi, dit-il. La question, c'est: «Doit-on les exploiter?» Après, on se demandera comment.»

Du point de vue des gaz à effet de serre (GES), il n'est pas évident que l'impact de l'exploitation du gaz de schiste au Québec soit positif.

«Est-ce que le gaz de schiste du Québec va s'ajouter à la boulimie énergétique nord-américaine? demande M. Guilbeault. Au Québec, ce sera difficile de remplacer des énergies plus polluantes. Il n'y a pas de charbon.»

Pourtant, le ministre Arcand a indiqué que le gaz de schiste permettrait au Québec de réduire ses émissions de GES. «J'aimerais voir l'analyse sur laquelle se base le ministre pour en arriver à cette conclusion», dit M. Guilbeault.

En fait, selon M. Séguin, l'exploitation du gaz québécois faciliterait peut-être l'exploitation des sables bitumineux en Alberta en libérant là-bas des stocks de gaz qui sont en fait brûlés ici.

En effet, l'extraction du pétrole exige beaucoup de chaleur sous forme de vapeur, produite avec du gaz naturel. «Il y a là un effet pervers potentiel», dit-il.

Le gaz a bien un potentiel de remplacement du charbon dans la production d'électricité aux États-Unis mais, officiellement, le gaz extrait au Québec est destiné au marché local, selon l'industrie.

Et encore là, faute de réglementation pour limiter les émissions de gaz carbonique aux États-Unis, le gaz de schiste risque plus de déloger les énergies propres mais chères, comme l'éolienne, que le charbon, polluant mais très peu coûteux.

Quant aux usages possibles dans le transport, ils sont condamnés à demeurer marginaux à court et moyen termes, selon M. Guilbeault.

«On n'est pas contre le gaz naturel, mais il y a plusieurs questions sans réponse, dit-il. On ne comprend pas l'urgence de se précipiter. Le gaz va rester là. On peut prendre un certain temps pour étudier la situation. Il faut se donner les moyens de ses ambitions. Si c'est vrai que le gaz de schiste peut jouer un rôle, comme le dit l'industrie, mettons toute l'info sur la table.»