Rares points d'accroche pour l'oeil dans un vaste paysage jaune, les 84 éoliennes d'Ashegoda jaillissent du sol. Le Tigré, région agricole du nord de l'Éthiopie, abrite un gigantesque champ ultra-moderne construit par une entreprise française.

Ashegoda, construit par l'entreprise Vernet pour 230 millions d'euros (près de 332 millions de dollars) à quelque 780 km d'Addis Abeba, est le plus vaste champ éolien d'Afrique.

Avec une capacité de 120 mégawatts (MW), il n'est qu'un des nombreux projets éoliens du pays : une firme chinoise construit un champ d'une capacité deux fois supérieure dans le sud-est du pays. Mais il est l'un des projets énergétiques phares d'un gouvernement qui ambitionne de faire entrer le pays et ses 91 millions d'habitants dans le club des nations à revenu intermédiaire d'ici à 2025, et de jouer un rôle de centrale électrique régionale.

L'Éthiopie exporte déjà de l'électricité vers le Soudan et Djibouti et devrait bientôt fournir le Kenya.

L'ensemble de l'Éthiopie dispose actuellement d'une capacité de production de 2177 MW et vise les 10 000 MW d'ici à 2015, essentiellement grâce au développement d'énergies renouvelables, éolienne, mais aussi solaire, géothermique et hydraulique.

Ashegoda, financé par le gouvernement français et des banques françaises, témoigne de l'intérêt croissant que les investisseurs européens, mais aussi chinois, indiens ou turcs portent à l'Éthiopie.

«Les gouvernements éthiopiens et français sont enthousiastes à l'idée de renforcer davantage leurs liens», affirme Romano Coutrot, gérant du champ, précisant qu'Ashegoda était aussi le site le plus important de Vernet à l'étranger.

Quatre ans ont été nécessaires pour que le site, pleinement opérationnel depuis octobre, voie le jour. Car les obstacles n'ont pas manqué.

L'Éthiopie ne disposant pas d'accès à la mer, il a fallu transporter les massives turbines, hautes de 70 et 80 mètres, par la route depuis Djibouti, sur des axes pas toujours goudronnés. Il a aussi fallu déplacer le site de 5 km : selon l'aviation civile éthiopienne, la première localisation gênait l'espace aérien.

M. Coutrot reconnaît que faire des affaires en Éthiopie n'est pas toujours aisé et recommande la prudence aux investisseurs étrangers. «C'est parfois un peu difficile», dit-il, en référence aux systèmes fiscal et douanier ou encore aux relations avec les autorités.

L'Éthiopie est classée 125e sur 189 pays par la Banque mondiale en matière d'environnement des affaires.

Exemple régional?

Le gouvernement assure que des efforts sont faits pour améliorer les choses et martèle que l'énergie verte est au coeur de son plan de développement. L'Éthiopie est encore l'un des pays les plus pauvres du monde - la majorité de sa population dispose de moins de deux dollars par jour.

«L'énergie est essentielle partout : dans la santé, l'éducation, la communication, la fourniture d'eau, l'industrie», relève Alemayehu Tegenu, ministre de l'Eau et de l'Énergie. «L'énergie et l'eau, c'est le point de départ de tout développement».

Aujourd'hui, seuls 53 % de la population éthiopienne a accès à l'électricité.

Et pour Belay Simane, professeur à l'Université d'Addis Abeba, les ambitions énergétiques de l'Éthiopie sont à la mesure de ses besoins en matière de développement.

«À moins d'avoir ce genre de plan ambitieux, vous vous laissez dépasser par la pression démographique et rien ne change», dit-il, «si nous voulons que notre pays survive, alors nous devons adopter ce genre de plan».

Pour Ahmed Soliman, du centre de recherche Chatham House, les investissements massifs qui accompagnent tous ces projets énergétiques consolideront le rôle de l'Éthiopie comme leader régional en matière d'énergies renouvelables.

«L'Éthiopie aura un avantage régional concurrentiel parce que, économiquement et techniquement, à l'inverse de beaucoup de pays d'Afrique de l'Est, elle ne dépendra pas de ressources énergétiques comme le gaz ou le pétrole pour satisfaire sa demande croissante», dit l'expert.

Au-delà des retombées économiques, l'Éthiopie espère, avec ses énergies vertes, éviter le coût environnemental du développement que sont aujourd'hui en train de payer des pays comme la Chine et l'Inde.

Le ministre Alemeyahu aimerait aussi voir d'autres pays de la région suivre l'exemple éthiopien.

«Nous ne voulons pas que les populations africaines restent dans le noir longtemps, nous devons nous dépêcher pour accéder à l'électricité, pour l'industrie, mais aussi le développement économique et social», dit-il.