Europe: 1662, États-Unis: zéro. Et la première éolienne américaine en mer ne commencera à produire de l'électricité qu'en 2015, au large de Cape Cod, dans le nord-est du pays. Si tout va bien.

Les Américains sont assis sur une montagne de charbon et de gaz naturel, alors pourquoi financer une énergie nouvelle et plus chère, surtout quand la croissance peine à redémarrer?

Comme le rappelle Jim Lanard, un vétéran de l'éolien devenu lobbyiste à Washington, les Européens ont très tôt subventionné les énergies renouvelables, car en Europe, il n'y a pas d'hydrocarbures.

«Si vous venez d'un État riche en charbon, que vous soyez démocrate ou républicain, peu importe, vous soutiendrez une politique énergétique centrée sur le charbon», explique-t-il à l'AFP.

Le charbon fournit 37% de l'électricité américaine, devant le gaz naturel (30%) et, loin derrière, l'éolien (3,4%), qui progresse vite, mais exclusivement sur terre.

Ce retard et la modestie des subventions illustrent aussi la relative indifférence des Américains face aux changements climatiques.

Mais les éoliennes vont bientôt être mieux aidées. Un discret article de l'accord budgétaire voté in extremis le 1er janvier permettra aux chantiers éoliens, en 2013, de toucher --dès la première pierre-- une subvention égale à 30% du coût des investissements.

Deux parcs en profiteront: les 130 turbines de la société Cape Wind, au large du Massachusetts, qui alimenteront notamment les maisons de Martha's Vineyard, une île célèbre pour les vacances du président Barack Obama et ses habitants VIP. L'un d'eux, le milliardaire conservateur Bill Koch, a lancé des procès contre le projet pendant des années, en vain.

Un petit parc de cinq éoliennes suivra, à cinq kilomètres de l'île de Block Island, dans le Rhode Island, pour remplacer les générateurs diesel actuels.

Coût supérieur en mer

Mais l'électricité produite par des éoliennes en mer coûte deux à trois fois plus cher que celle produite par des éoliennes terrestres, estime Steve Clemmer, directeur de recherche sur les énergies à l'Union of Concerned Scientists, une ONG écologiste.

Cape Wind vendra la sienne 18,7 cents par kilowattheure la première année. Par comparaison, une usine thermique au charbon peut produire de l'électricité à environ 10 cents/kWh, selon les conditions. Et l'éolien terrestre est encore moins cher.

Le travail de repérage en mer est onéreux: il faut prélever des échantillons à plusieurs dizaines de mètres de profondeur. Évaluer les risques pour les mammifères marins et la pêche. Affréter des bateaux pour transporter le matériel et les ouvriers.

Certains États pourtant bien positionnés comme le New Jersey ont laissé mourir certains projets. Des opérateurs ont jeté l'éponge, faute de financement.

Mais le jeu peut valoir l'investissement. Les vents soufflent plus fort au large. Le gouvernement estime le potentiel à 3800 mégawatts (MW) pour dix projets, l'équivalent de trois centrales nucléaires, et de quoi alimenter des millions de foyers dans le très dense Nord-Est.

La nouvelle technologie des turbines «flottantes», situées à plusieurs kilomètres des côtes, résout aussi le problème central de l'éolien: les nuisances visuelles et sonores. Le Maine a approuvé un premier contrat.

Les créations d'emplois sont l'ultime carotte pour les gouverneurs les plus frileux. «Si vous êtes le premier, vous serez le premier à recevoir des investissements industriels sur terre, à créer des emplois, à avoir la première usine de construction des turbines», plaide Michael Conathan, du Center for American Progress, un centre de réflexion.

Malgré leur lenteur, les États-Unis restent en avance sur un pays européen de taille, la France. Les quatre premiers parcs français d'éolien en mer ne verront le jour qu'entre 2016 et 2020.