La timide renaissance de l'atome civil dans le monde, engagée il y a une dizaine d'années après la longue hibernation qui avait suivi la catastrophe de Tchernobyl, menace d'être remise en cause après les explosions spectaculaires survenues dans une centrale nucléaire au Japon.

«Le grave accident nucléaire au Japon a remis en question la renaissance mondiale du nucléaire», assène dans une note Alex Barnett, analyste de la maison de courtage Jefferies.

Pour les spécialistes de l'industrie nucléaire, l'explosion de la centrale de Fukushima ravive les craintes de voir le développement de l'atome civil à nouveau gelé, comme cela avait été le cas après les accidents de Three Mile Island (États-Unis) en 1979 et de Tchernobyl (Ukraine) en 1986.

L'Italie avait alors approuvé la sortie du nucléaire par référendum, tandis qu'aux États-Unis de nombreux chantiers avaient été suspendus ou abandonnés.

Depuis une dizaine d'années, l'atome connaissait un timide retour en grâce dans un contexte de renchérissement du pétrole et d'inquiétudes croissantes quant au changement climatique. L'énergie nucléaire apparaissait en effet comme compétitive et émettant peu de CO2.

Cette «renaissance» vantée par les industriels de l'atome s'est à ce jour concrétisée essentiellement dans les pays émergents, qui doivent faire face à une augmentation rapide de leur demande d'énergie.

Sur les 62 réacteurs nucléaires en cours de construction dans le monde, 27 le sont en Chine, 10 en Russie, 5 en Inde et 5 en Corée du Sud, selon l'Association mondiale du nucléaire, qui représente les industriels.

«La renaissance du nucléaire n'est pas morte, elle est retardée», estime Colette Lewiner, directrice énergie au cabinet de conseil CapGemini. «Il va y avoir au minimum une révision des règles de sûreté et de +design+ des réacteurs. Cela va retarder le mouvement», ajoute-t-elle.

Au Royaume-Uni, où le gouvernement a mis en place un ambitieux plan de relance du nucléaire, le ministre de l'Énergie Chris Huhne a ainsi affirmé que «toutes les leçons nécessaires» devaient être tirées de l'accident au Japon, «à la fois pour nos réacteurs existants et pour tout nouveau programme nucléaire».

«Il y a une grande part d'inconnu» liée aux réactions des opinions publiques et des gouvernements, juge Mme Lewiner.

M. Barnett, de Jefferies, anticipe des changements limités en Chine et en Inde, qui ont de gros besoins énergétiques, mais de possibles remises en question des projets en Europe, aux États-Unis, en Indonésie, en Turquie ou en Italie.

En Inde, où Greenpeace avait dénoncé le projet de construction de deux réacteurs dans une région présentant «un risque sismique très élevé», le premier ministre Manmohan Singh a annoncé que la sécurité de tous les réacteurs nucléaires du pays serait vérifiée.

Aux États-Unis, des parlementaires américains ont appelé à un moratoire sur l'énergie nucléaire, alors que le président Barack Obama a accordé il y a un an des garanties de prêts pour construire la première centrale nucléaire du pays depuis 30 ans.

Dans ces pays, les compagnies françaises EDF et Areva sont en première ligne pour décrocher une partie du marché. De même qu'en Italie, pays à risque sismique où l'électricien hexagonal s'est allié avec Enel pour bâtir quatre réacteurs. Plusieurs dirigeants d'opposition ont appelé les Italiens à dire «non» au nucléaire à l'occasion d'un prochain référendum.

La Suisse a, par ailleurs, annoncé avoir suspendu ses projets de renouvellement de centrales nucléaires tandis que la chancelière allemande Angela Merkel a annoncé un moratoire de trois mois sur l'allongement de la durée de vie des réacteurs.

En France, le projet de réacteur EPR à Penly (ouest) qui doit être autorisé avant mars 2012, pourrait être suspendu au résultat de l'élection présidentielle.