L'archipel des Îles de la Madeleine vivait auparavant les hivers enclavé dans les eaux gelées du golfe Saint-Laurent, à l'abri des tempêtes hivernales. Mais les températures plus chaudes des récentes années ont fait fondre les glaces, exposant les îles à des vagues violentes qui érodent les côtes et menacent des infrastructures essentielles.

« Quand j'étais jeune, que j'étais aux études et que je revenais aux îles à Noël, on savait qu'à partir du mois de janvier, on était pris dans la glace », s'est souvenu Serge Bourgeois, directeur de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme à la municipalité des Îles-de-la-Madeleine.

« Maintenant, la différence est tellement palpable qu'on se souvient des hivers qu'il y avait de la glace, mais les hivers qu'il n'y a pas de glace, c'est rendu la norme. »

La ville a récemment dû éloigner des côtes des observatoires, ainsi qu'une piste cyclable, et elle doit faire face à de plus en plus d'ajustements coûteux dans les cinq prochaines années alors que l'érosion s'approche graduellement d'infrastructures cruciales, a indiqué M. Bourgeois.

D'autres municipalités situées le long du golfe et du fleuve Saint-Laurent doivent affronter des problèmes semblables alors que les températures à la hausse accélèrent l'érosion et provoquent des inondations, a souligné Guillaume Marie, professeur à l'Université du Québec à Rimouski (UQAR) et spécialiste de l'érosion.

« On n'observe pas forcément une augmentation dans le nombre de tempêtes dans l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent, mais on observe une augmentation dans le nombre de tempêtes qui ont un impact à la côte. Ça montre qu'il y a moins de banquises pour les protéger », a-t-il soutenu.

Avec l'aide du gouvernement québécois, l'université a lancé un projet pour étudier la résilience des côtes et trouver des outils afin d'aider les villes de l'est du Québec qui doivent s'adapter au changement climatique.

Dans plusieurs cas, les municipalités devront faire des choix difficiles et onéreux sur les infrastructures qu'elles choisiront de sauver, et les autres qu'elles devront sacrifier, a remarqué M. Marie.

Parmi les mesures que peuvent prendre les villes, il y a la construction de murs de pierre ou des tas de pierres, l'érection de voies de contournement dans les municipalités où les routes sont endommagées et l'ajout de sable sur les plages. Les villes pourraient aussi planter de la végétation sur les dunes, un moyen naturel pour briser les vagues et éviter l'érosion.

La meilleure solution, selon M. Marie, est d'éviter de construire dans des secteurs à risque - mais cela n'aide pas les citoyens qui y sont déjà établis.

En ce moment, l'université communique avec les villes pour les aider à bien saisir les priorités, à évaluer ce qui fonctionne et à élaborer des stratégies pour atténuer ou réparer les dommages.

Dans plusieurs villes, ce processus est déjà en cours.

Percé, une ville située près de la pointe de la péninsule gaspésienne, est en train de reconstruire en profondeur ses côtes. Le projet a pris une tournure urgente alors que l'hiver dernier, sa promenade sur le bord de la mer a été complètement détruite lors d'une tempête.

Le projet, qui est financé par la province, prévoit l'installation sur la plage d'un grand volume de sable et de cailloux, ce qui sera suivi par la reconstruction d'une promenade.

Au nord de Percé, la ville de Gaspé a resserré ses règlements pour éviter les constructions dans certains secteurs en raison des inondations qui sont survenues dans les dix dernières années.

« Nous avons la volonté de toujours affiner nos connaissances de ces zones et des études sont en cours pour caractériser nos milieux humides et nos zones côtières. Nous voulons avoir le maximum d'information afin de pouvoir mieux planifier l'aménagement de notre immense territoire », a écrit dans un courriel Jérôme Tardif, le porte-parole de Gaspé.

Certaines municipalités, comme celle des Îles-de-la-Madeleine, ont déjà dû prendre la décision impopulaire de relocaliser des gens et des maisons. Et d'autres décisions difficiles sont à venir, a prévenu Serge Bourgeois.

Les routes environnantes aux côtes devront certainement être réparées, mais que se passera-t-il avec le site historique La Grave, là où se sont installés les premiers colons sur les îles ?

« Qu'est-ce qu'on fait comme collectivité ? », a-t-il demandé. « Est-ce qu'on laisse le site aller ou on essaie de trouver des scénarios pour s'adapter ? »

Jusqu'à maintenant, M. Bourgeois estime que le gouvernement du Québec a appuyé les efforts de la ville, surtout pour ce qui est des études et de la recherche.

Mais il se demande comment les gouvernements provincial et fédéral vont réagir au bout du compte, lorsque de plus en plus de villes feront face à des coûts importants de reconstruction qu'elles ne pourront se permettre.

« Si on cumule les besoins de tous les villages côtiers du Québec et du Canada au complet, c'est certain que ce sera astronomique en termes de coûts. C'est là qu'on va voir si les gouvernements sont réellement avec les communautés qui vivent ce problème-là », a-t-il conclu.