DES RÉSULTATS SURPRENANTS

DES RÉSULTATS SURPRENANTS

Comment convaincre les gens de moins polluer ? La question taraude les gouvernements et les groupes environnementaux de la planète. Une nouvelle étude montre que miser sur le sentiment de culpabilité des citoyens ne les rend pas plus susceptibles d'appuyer la cause environnementale. Demander aux gens de réfléchir à leur rôle dans les changements climatiques produit autant de résultats que leur demander de réfléchir à la façon dont ils se brossent les dents. « Les résultats nous ont surpris », explique à La Presse Nick Obradovich, candidat au doctorat en sciences politiques de l'Université de Californie à San Diego, et coauteur de l'étude « Collective Responsibility Amplifies Mitigation Behaviors », publiée dans le dernier numéro de la revue Climate Change. « Nous croyions qu'évoquer la responsabilité personnelle des gens aurait plus d'effets que cela. »



PHOTO FRED TANNEAU, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un sondage réalisé en 2015 montre que 68 % des Québécois croient que les changements climatiques sont en partie ou surtout causés par l’activité humaine.

50 % PLUS DE DONS

Pour leur étude, les chercheurs ont demandé à un groupe de citoyens d'écrire en quoi ils contribuaient personnellement aux changements climatiques. Un second groupe devait plutôt expliquer la responsabilité collective de la société au chapitre des changements climatiques. Un troisième groupe - le groupe témoin - devait tout simplement décrire sa routine quotidienne, son brossage de dents, ses exercices, etc. Tous les participants pouvaient remporter par tirage un prix de 100 $. Les chercheurs ont ensuite demandé aux participants quelle proportion de ce prix ils seraient prêts à donner à la cause de la lutte contre les changements climatiques. Les résultats : le groupe « responsabilité collective » acceptait de donner 50 % plus d'argent en moyenne que le groupe « responsabilité personnelle » et que le groupe témoin, groupes dont les dons n'étaient pas statistiquement différents les uns des autres.

DISSONANCE COGNITIVE

Pour Nick Obradovich, les gens sont mal à l'aise lorsqu'ils pensent à leur propre contribution aux changements climatiques, une situation qui ne les incite pas à passer à l'action - ou, dans le cas de l'étude, à faire un don. On se retrouve devant une situation de dissonance cognitive : nos valeurs et nos actions ne concordent pas. Le cerveau vit une impasse... qui perpétue le statu quo. « Forcer les gens à examiner leurs comportements n'a pas eu les effets auxquels nous nous attendions, dit M. Obradovich. Et la littérature scientifique indique aussi que montrer aux gens les effets terrifiants des changements climatiques peut avoir pour effet de les démotiver. 



IMPLICATIONS AU QUÉBEC

Un sondage réalisé en 2015 montre que 68 % des Québécois croient que les changements climatiques sont en partie ou surtout causés par l'activité humaine. Or, les Québécois ont jusqu'ici été peu enclins à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Les ventes de véhicules utilitaires sport (VUS), plus polluants, connaissent une hausse importante au Québec depuis quelques années. Qu'en pense le chercheur ? « Dire aux gens qu'ils font la mauvaise chose en achetant un VUS est probablement contre-productif, dit M. Obradovich. Il serait plus efficace de travailler à créer des normes collectives portant sur les coûts que les VUS infligent à la société, mais là encore, rien n'empêcherait une personne de choisir d'acheter un VUS. Ultimement, dans ce cas précis, les changements vont peut-être devoir venir des politiques économiques : avec une taxe sur le carbone, conduire un VUS serait beaucoup plus cher et moins de gens seraient désireux de le faire. »

> Consultez l'étude (document payant)