Ces nuages de smog qui enveloppent les métropoles chinoises ont paradoxalement un bon côté: ils limitent le réchauffement de la planète, ont découvert les chercheurs. Explications.

La lutte contre la pollution atmosphérique dans les mégavilles chinoises va augmenter la contribution du pays à l'effet de serre, selon une nouvelle étude sino-française. Les particules en suspension et le soufre qui empestent l'air urbain réfléchissent les rayons du soleil, refroidissant la planète.

« La très forte pollution atmosphérique des villes chinoises masque une partie de sa contribution au réchauffement de la planète », dit Thomas Gasser, du Centre national de recherche scientifique à Paris, qui est l'un des coauteurs de l'étude publiée dans la revue Nature.

Depuis le début de son ouverture au capitalisme, dans les années 80, la Chine a constitué l'un des principaux pays contribuant à refroidir la planète par ses activités humaines. Le tiers de l'effet refroidissant mondial de la pollution par le soufre est dû à l'empire du Milieu.

L'étude, qui impliquait aussi des climatologues de l'Université de Pékin, est l'une des premières à montrer l'évolution depuis deux siècles de la contribution chinoise au réchauffement de la planète lié à l'industrialisation. « Ce qui est surprenant, c'est que jusqu'au milieu du XIXe siècle, la Chine avait une contribution supérieure à celle d'aujourd'hui aux activités humaines réchauffant la planète, surtout à cause de la déforestation liée à l'explosion de sa population, dit M. Gasser. Le retard industriel chinois a fait décroître cette proportion jusqu'aux années 80. Mao a aussi fait diminuer la contribution chinoise au réchauffement avec sa politique de reboisement. »

En 1850, la Chine abritait près du tiers de la population mondiale et produisait le cinquième du produit intérieur brut de la planète. Sa contribution au réchauffement lié aux activités humaines était de 13 %. Cette contribution à l'effet de serre a diminué à 7,5 % au début du XXe siècle et a oscillé entre 9 et 10 % pendant la seconde moitié du XXe siècle. La contribution chinoise augmente toutefois rapidement depuis 20 ans, une croissance qui va se poursuivre en raison - paradoxalement - de la lutte contre la pollution atmosphérique, et ce, alors que la Chine passe d'une économie de production industrielle à une économie de services, selon M. Gasser.

Le calcul de l'effet refroidissant de certaines activités humaines est plus compliqué. « À cause des limites en termes de puissance de calcul, nous n'avons pu calculer l'effet refroidissant que pour 1980, 2000 et 2010 », dit le chercheur français, qui a publié plusieurs études sur les « émissions négatives » liées par exemple aux programmes de protection des forêts équatoriales. « Nous n'avons pas pu tenir compte de certains effets refroidissants des aérosols de la pollution atmosphérique ni de l'effet réchauffant de la suie se déposant sur la neige. Comme ces deux facteurs seront affectés par la lutte contre la pollution atmosphérique, il y a une certaine incertitude. »

CHAUD ET FROID 

Les activités humaines ne réchauffent pas toutes la planète. La déforestation et les émissions de gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d'azote (N2O), entre autres, rendent la Terre plus chaude. Mais le soufre et les particules en suspension liés à la pollution atmosphérique interagissent avec les nuages qui réfléchissent la lumière du soleil et refroidissent la Terre. Cette forme de pollution a ainsi fait perdre 3,7 % de sa puissance à l'effet de serre lié aux activités humaines en 2010. L'aménagement du territoire de manière à ce qu'il réfléchisse davantage les rayons du soleil, notamment grâce à des toits et des routes de couleur pâle, refroidit aussi la planète. Par exemple, un champ couvert de neige l'hiver réfléchira davantage la lumière du soleil - on dit alors qu'il a un « albédo » plus élevé.