Après le climat, la haute mer: l'ONU s'attelle lundi à New York à l'élaboration d'un accord sur la protection de la biodiversité de ces vastes zones situées au-delà des juridictions nationales, où le principe de liberté se traduit parfois en loi de la jungle.

En haute mer, «on peut faire un peu n'importe quoi et c'est ce qui se passe», explique une source diplomatique française. «C'est le Far West», lance Julien Rochette, de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

Le futur accord vise à instaurer une gouvernance de la haute mer pour protéger sa diversité biologique, menacée par la pollution, la pêche, le réchauffement climatique, l'exploration de ressources de plus en plus convoitées...

L'enjeu est de taille. La haute mer (à partir de 200 milles nautiques des côtes) représente la moitié de la surface de la planète.

Elle abrite une biodiversité exceptionnelle, avec de nombreuses espèces de poissons mais aussi des écosystèmes fournissant des ressources génétiques pour la production de médicaments et de cosmétiques.

Elle recèle aussi d'importantes ressources minérales (nodules polymétalliques, agrégats cobaltifères...), un patrimoine commun de l'humanité susceptible d'être prochainement exploité.

Malgré ses 320 articles, 9 annexes et 2 accords d'application, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, qui date de 1982, «ne présente pas un mécanisme suffisant pour assurer une gestion coordonnée de la haute mer», explique-t-on de source diplomatique.

«Il y a d'énormes trous dans la gouvernance des océans», renchérit Richard Page, de l'Alliance pour la haute mer, qui regroupe 32 ONG dont Greenpeace et le WWF, ainsi que l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

«Différentes organisations sont responsables de la gestion de différentes activités» (pêche, navigation, etc.) et «il y a des zones dans les océans où il n'y a pratiquement aucune gouvernance», dit-il.

Transferts de technologies

D'où l'idée de ce nouvel accord, sur «la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine» en haute mer, négocié dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer.

À partir de lundi et jusqu'au 8 avril, des négociateurs de l'ONU vont tenter d'en jeter les bases.

Parmi les questions les plus délicates figure l'exploitation des ressources génétiques marines.

«Actuellement, il n'y a aucune règle, c'est ''premier arrivé, premier servi''», explique Julien Rochette. Trois États (États-Unis, Allemagne, Japon) détiennent 70% des brevets déposés sur des organismes marins.

Les négociateurs vont aussi discuter de l'instauration de zones marines protégées, «l'un des meilleurs outils» de protection, selon le biologiste marin Callum Roberts, de l'Université d'York (Royaume-Uni).

«Moins de 1% de la haute mer fait l'objet d'une aire marine protégée», selon l'Alliance pour la haute mer.

«Un mécanisme pour mener des évaluations d'impact (des activités humaines) sur l'environnement» devrait aussi être discuté, précise Richard Page.

Au nom de l'équité, les pays en développement insistent sur la nécessité de transferts de technologies des pays du Nord vers ceux du Sud, pour l'exploitation des ressources et le partage des bénéfices.

Une meilleure régulation est d'autant plus urgente qu'une menace pourrait se concrétiser bientôt: l'exploitation minière.

«On en est encore à l'exploration», l'exploitation «n'est pas encore commercialement viable» à cause du coût trop élevé de l'extraction, explique Callum Roberts. Mais selon lui, elle pourrait l'être dans dix ans.

Les négociateurs, qui se réuniront à plusieurs reprises, devraient avoir rédigé un projet d'accord d'ici à fin 2017.

Au vu de ce texte, l'assemblée générale des Nations unies décidera en 2018 de convoquer ou non une conférence intergouvernementale pour négocier un accord universel.

À la conférence de Paris sur le climat, en décembre, «nous sommes parvenus à agir pour protéger le système climatique mondial. Désormais nous devons faire preuve de la même énergie pour protéger l'océan mondial», souligne Jessica Battle, du WWF International. «Tous deux sont essentiels au bon fonctionnement de la planète».