L'UE s'est dotée vendredi d'un mandat pour parler d'une seule voix lors de la conférence de Paris sur le climat (COP21), affichant des objectifs «ambitieux» comme la «neutralité carbone» en 2100 ou le caractère juridiquement contraignant de l'accord.

«Nous avons un accord bien plus tôt que prévu, et c'est un bon équilibre», s'est félicitée la ministre luxembourgeoise de l'Environnement Carole Dieschbourg, dont le pays assure la présidence du conseil de l'UE, lors d'une conférence de presse.

L'accord, conclu après une réunion des 28 ministres de l'Environnement à Bruxelles, pose les bases de la négociation que mènera l'Union européenne à la COP21 dans quelques semaines à Paris.

L'UE appelle ainsi à un pic des émissions de gaz à effet de serre en 2020 au plus tard, à une réduction de 50 % d'ici à 2050 (par rapport aux niveaux de 1990) et à atteindre la «neutralité», soit le niveau zéro «ou moins», d'ici la fin du siècle. C'est-à-dire que les émissions sont compensées par différents moyens de lutte anticarbone comme des nouvelles technologies, des plantations d'arbres, etc. Une vision à long terme sur laquelle jusqu'ici les Européens avaient du mal à se mettre d'accord.

À plus court terme, l'Union met sur la table son propre objectif d'ici à 2030 : la réduction de 40 % des émissions, comme elle l'avait promis dès le mois de mars en déposant sa contribution pour la COP21 devant l'ONU.

«Il est encourageant de voir que 62 pays dans le monde ont déjà soumis leurs contributions, ce qui couvre près de 70 % des émissions dans le monde. C'est bien plus que ce qui était atteint en vertu des accords de Kyoto», soit seulement 14 %, a souligné Mme Dieschbourg.

Enfin, l'accord négocié à Paris devra être légalement contraignant, «ambitieux et durable», plaident les 28 dans leurs propositions finales.

«On s'est mis d'accord sur un mandat de négociation vraiment exigeant», a estimé de son côté la ministre allemande de l'Environnement Barbara Hendricks, tandis que son homologue française Ségolène Royal le qualifiait d'«offensif», faisant de l'Europe «une force d'entraînement».

Mécanisme de révision quinquennal

«L'Europe n'est pas prête à signer n'importe quoi», a lancé le commissaire européen responsable de l'Action pour le climat, Miguel Arias Canete.

Grand point de satisfaction pour M. Canete, qui portera la voix de l'Union à Paris, les États membres sont convenus de soutenir un mécanisme de vérification et de révision, qui serait activé tous les cinq ans, pour s'assurer que la planète reste sur les rails de la COP21.

«Je suis très heureux qu'on se soit mis d'accord sur l'idée d'un réexamen tous les cinq ans : que les pays se retrouvent (...) pour évaluer et renforcer leurs objectifs d'émissions à la lumière des progrès de la science», s'est réjoui le commissaire espagnol.

«C'est un point important pour avoir un accord crédible», a assuré Carole Dieschbourg.

Parmi les autres points entérinés, les Européens s'attaquent à l'«adaptation» au réchauffement climatique, en encourageant à trouver des solutions à l'échelle nationale et à multiplier les initiatives en terme de développement durable : la «politique par la preuve», selon l'expression de Mme Royal.

«La France, qui a la responsabilité d'accueillir la conférence climat, a tout fait pour être exemplaire de ce point de vue» avec la loi de transition énergétique, a-t-elle observé.

Les conclusions européennes font aussi référence au financement (qui appartient toutefois en dernier ressort aux ministres de l'Économie), en réitérant l'engagement européen dans le Fonds vert pour le climat de l'ONU, inclus dans le précédent accord de Copenhague : 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 pour financer la lutte contre le réchauffement climatique. Actuellement, ce Fonds vert est doté d'un peu plus de 10 milliards USD, dont plus de la moitié vient de l'UE.

«C'est un aspect important pour obtenir la confiance des pays du Sud», a noté Mme Hendricks.

Mais du côté des défenseurs de l'environnement, les réactions étaient plus mitigées.

«L'Europe peut et devrait faire plus pour accélérer la transition énergétique vers un système basé sur les énergies renouvelables et s'engager à supprimer progressivement les énergies fossiles», a jugé le conseiller sur la politique énergétique de l'Europe de Greenpeace Jiri Jerabek.

Quant au réseau Carbon Market Watch, il regrettait une position européenne oblitérant la demande des pays en développement de limiter la période d'engagement des objectifs climatiques à cinq ans.

Selon le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, les négociateurs de l'ONU chargés de préparer un projet d'accord doivent soumettre au mois d'octobre un texte d'une vingtaine de pages «dans lequel les grandes options seraient arbitrées».