Pour les présidents américains, l'Alaska est souvent une simple escale technique en route vers l'Asie. Barack Obama a décidé de s'y arrêter trois jours. Avec un objectif : braquer les projecteurs sur les conséquences les plus spectaculaires du changement climatique.

Rencontre avec des pêcheurs dans la petite ville de Dillinghman, escale à Kotzebue plus au nord, visite des glaciers près de Seward, conférence internationale à Anchorage : à trois mois de la conférence de Paris sur le climat, le président américain s'emploie à sensibiliser l'opinion publique face à «l'un des plus grands défis de notre siècle».

«En Alaska, les glaciers fondent. La chasse et la pêche dont dépendent les habitants depuis des générations pour vivre sont menacées. Avec la fonte du pergélisol (sous-sol gelé), certaines habitations s'enfoncent même dans le sol», a-t-il lancé, à l'heure où nombre de ses adversaires républicains contestent la réalité du réchauffement ou l'impact des activités humaines sur ce phénomène.

Si Warren G. Harding fut le premier président américain à se rendre en Alaska en 1923, en bateau depuis Seattle, M. Obama deviendra le premier président en exercice à se rendre sur la côte arctique de cet État, le plus vaste du pays, mais aussi celui qui a la densité de population la plus faible.

Ce déplacement lointain - quelque 5400 km séparent Washington d'Anchorage - doit permettre de renforcer le «sentiment d'urgence», souligne Rafe Pomerance, membre du Bureau sur la recherche polaire à l'Académie des sciences.

«Les glaciers de l'Alaska et du Groenland, la banquise, le pergélisol, la couverture neigeuse au printemps dans l'hémisphère nord : tout fond et se réduit et cela a de réelles conséquences pour le reste du monde», explique-t-il à l'AFP.

Les scientifiques mettent régulièrement en garde contre la bombe à retardement que représente un dégel du pergélisol qui emprisonne des milliards de tonnes de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, mais aussi méthane). Si cette matière organique gelée fond, elle relâche lentement tout le carbone qui y a été accumulé et ainsi «neutralisé» au fil des millénaires. Et enclenche un cercle vicieux : ce dégel libère des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, ce qui accentue le réchauffement et donc la fonte.

«Bureaucrates de Washington»

«Ce qui se passe en Arctique ne reste pas dans l'Arctique (...) l'impact va bien au-delà», résume Karen Florini, envoyée spéciale adjointe pour le changement climatique au sein du département d'État.

M. Obama, qui vient de présenter un plan de réduction draconien des émissions de CO2 des centrales électriques, qui devrait entraîner la fermeture de nombre de centrales à charbon vétustes, a durci le ton ces derniers mois sur un sujet qu'il avait érigé en priorité lors de sa campagne présidentielle, il y a plus de six ans.

Mais le président américain n'a pas, tant s'en faut, que de fervents partisans en Alaska.

Le sénateur républicain Dan Sullivan l'a accusé de vouloir transformer cet État en «un grand parc national». Don Young, élu républicain à la Chambre des représentants, dénonce l'attitude «du président et de son équipe de bureaucrates de Washington qui croient être les seuls à savoir ce qui est bon pour l'Alaska».

Au cours des mois écoulés, M. Obama a aussi dû faire face à la fronde de nombre d'associations de défense de l'environnement.

Sa décision, annoncée fin décembre, d'interdire les forages dans la baie de Bristol et de protéger des millions d'hectares de côtes et de terrains sauvages a été largement saluée.

Mais le feu vert accordé récemment au groupe Shell pour mener des forages dans la mer des Tchouktches, plus au nord, a suscité l'incompréhension chez nombre de militants. Ces derniers dénoncent un message contre-productif à l'approche de la conférence de Paris, rendez-vous crucial qui vise à conclure un accord international pour enrayer la hausse du thermomètre mondial.

La Maison-Blanche souligne que la transition énergétique prendra du temps et que, dans l'intervalle, c'est la meilleure solution possible. «Avec toutes les précautions que nous prenons, je préfère que nous produisions notre pétrole et notre gaz plutôt que de l'importer», a expliqué M. Obama.

Il n'a cependant pas convaincu les détracteurs du projet, à l'image de Greenpeace et de l'Alaska Climate Action Network, qui ont appelé à manifester lundi, jour de son arrivée à Anchorage.