À quel rythme réduire les émissions des gaz à effet de serre pour limiter la hausse des températures à 2 °C, l'objectif fixé par la communauté internationale : la bataille fait rage entre les négociateurs climat réunis à Bonn jusqu'à jeudi prochain.

Un objectif commun de réduction des gaz à effet de serre (GES) à long terme «serait plus clair, plus concret que le 2 °C», estime Laurence Tubiana, responsable de la délégation française, mais le sujet est «un point dur» des discussions qui doivent aboutir à un accord universel fin 2015 à Paris.

Selon Bill Hare, directeur de l'institut Climate analytics, interrogé à Bonn par l'AFP, un objectif de long terme «serait très utile pour indiquer la direction vers laquelle tout le monde doit aller et cela enverrait un signal, non seulement aux gouvernements, mais aussi au secteur privé».

À ce stade, de nombreuses options, plus ou moins exigeantes, sont sur la table, mais aucune ne fait consensus : un pic des émissions mondiales le plus tôt possible, une baisse de 50 % et même de 70-95 % en 2050 par rapport à 2010, zéro ou quasiment zéro émission en 2100.

D'autres formules sont plus vagues : «une décarbonisation de l'économie», une économie neutre en carbone ou encore «zéro net émission», un concept qui laisse la porte ouverte à des émissions à partir du moment où elles sont captées par des puits naturels (forêts, cultures) ou grâce à des technologies (captage et stockage du carbone).

Un pic «le plus tôt possible» est défendu par les États insulaires, parmi les plus exposés au réchauffement en raison de l'élévation du niveau de la mer.

Ces États, soutenus par les pays africains, le groupe des Pays les moins avancés (PMA) et les Philippines défendent même une hausse globale des températures limitée à 1,5 °C. «Les experts disent qu'avec 1,5 °C, les îles sont déjà en danger», rappelle Amjad Abdulla des Maldives, négociateur pour les États insulaires.

La différence des efforts à entreprendre entre un objectif de 1,5 °C et 2 °C n'a rien de marginal : le Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (GIEC) estime qu'il faut réduire les émissions de 40 à 70 % d'ici 2050 pour 2 °C et de 80 à 90 % d'ici 2050 pour 1,5 °C.

Introuvable équité

À l'autre bout du spectre, les États pétroliers comme l'Arabie saoudite ou gros producteurs de charbon comme l'Australie ne veulent pas entendre parler d'une «décarbonisation de l'économie», comptant à terme sur le captage et le stockage des émissions industrielles de CO2 pour continuer à exploiter des énergies fossiles.

«Un réel engagement des pays à se détourner des fossiles, comme le recommande le GIEC, passe par un signal à 2050 et un signal sur un point d'arrivée à zéro émission», défend Alix Mazounien, du réseau d'ONG Climate action network (CAN).

Une demande proche de la proposition de l'Union européenne favorable à une baisse d'au moins 60 % en 2050 par rapport à 2010.

«Le problème avec un chiffre précis, c'est qu'il ouvre le débat sur qui fait quoi pour y arriver» entre pays développés et émergents, avertit cependant un négociateur européen. «Or, toute tentative de calculer la part de chacun d'ici 2050 est vouée à l'échec», estime-t-il.

Le partage des responsabilités et donc la question de l'équité est terriblement difficile à résoudre dans les négociations sur le climat : alors qu'il est urgent d'agir, quels efforts attendre des pays développés, qui ont historiquement pollué, et des émergents, dont les émissions augmentent rapidement?

Pour éviter une équation trop précise, les États-Unis, le Canada, le Japon défendent d'ailleurs un objectif non chiffré, tel que le «zéro net émission» à la fin du siècle.

Cette formule apparue à Genève en février «gagne en popularité», regrette l'ONG ActionAid, qui a publié mercredi à Bonn un rapport alertant sur «le piège du net zéro».

Selon Teresa Anderson d'ActionAid, le risque de cette option «c'est qu'on compte démesurément, pour compenser à terme les émissions, sur le secteur agricole et forestier», qui sont des puits naturels de carbone. «Cela impliquerait l'utilisation gigantesque de surfaces agricoles, au détriment de la sécurité alimentaire mondiale», prévient l'ONG.