Le futur accord mondial sur le climat entrera en vigueur en 2020, mais la mise sur pied de nouvelles actions pour les cinq prochaines années conditionne en partie un consensus à Paris, de nombreux pays en faisant une condition préalable.

«Va-t-on attendre simplement 2020 pour agir davantage alors que le changement climatique affecte déjà de nombreux pays», interroge Harjeet Singh de l'ONG Action Aid, membre du Climate action network, en marge des négociations à Bonn.

«Regardez la vague de chaleur sans précédent en Inde qui a tué plus de 2000 personnes ces derniers jours, regardez le désastre causé par le cyclone au Vanuatu», poursuit-il, résumant la pensée des pays les plus vulnérables au réchauffement accéléré de la planète.

La moyenne de la température mondiale a déjà gagné plus de 0,8 °C depuis l'ère pré-industrielle, un chiffre loin d'être négligeable, qui agit déjà sur les rendements agricoles, le niveau de la mer, la migration d'espèces aquatiques, la gravité des sécheresses dans certaines zones arides, etc.

La nécessité d'agir le plus rapidement possible est mise en avant par les scientifiques et les économistes du Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (GIEC) : les premiers pour maximiser les chances de limiter le réchauffement, les seconds expliquant que plus l'action est retardée, plus elle sera coûteuse.

L'action avant 2020 est donc éminemment sensible pour de très nombreux pays, comme le groupe des petites îles, l'Afrique ou le groupe des Pays les moins avancés (PMA).

«Ce qu'on fait entre aujourd'hui et 2020 est fondamental pour les pays en voie de développement», confie à l'AFP Seyni Nafo, porte-parole du groupe Afrique.

«Les pays en voie de développement disent aux développés : "si vous voulez qu'on s'engage pour après 2020, faites plus avant 2020"», renchérit Alix Mazounie du Réseau action climat, un collectif d'ONG françaises.

Frustration des pays du Sud

La France, futur hôte de la conférence qui doit déboucher sur le premier accord mondial sur le climat, a conscience de cette situation.

Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères français, dans son discours lundi à Bonn a d'ailleurs souhaité que les délégations «préparent une décision sur l'action avant 2020 en vue de son adoption à Paris».

Dans ce cadre, l'Afrique devrait par exemple proposer un mécanisme de soutien aux énergies renouvelables.

Concernant les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les pays développés n'ont pas l'intention de revoir leur copie pour 2020.

«Il avait été décidé à Doha en 2012 que les engagements des pays développés de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020 seraient revus à la hausse, cela n'a pas été fait», déplore Meena Raman de Third world network, un réseau d'ONG.

L'avant 2020 discuté depuis des années dans le cadre onusien, sous l'appellation «workstream 2», parallèlement au futur accord, a souvent beaucoup frustré ONG et pays du Sud.

L'aide annuelle pour des projets climat portée graduellement à 100 milliards en 2020 - une promesse de 2009 - est un engagement qui doit être éclairci.

«Les pays attendent vraiment une feuille de route sur comment arriver aux 100 milliards», souligne Harjeet Singh.

Elena Bandram, porte-parole de l'Union européenne, reconnaît que le sujet «est revenu sur le devant de la scène».

«Nous espérons rédiger ici un projet de décision avec de nouvelles initiatives», a-t-elle expliqué lors d'un point-presse.

Outre un soutien pour l'accès à l'énergie propre, un renforcement des aides à la reforestation ou la mise en place de système d'alerte aux catastrophes sont discutés.

À moins de 200 jours de la COP21 et alors que les progrès sont très lents dans les discussions, Harjeet Singh estime que «l'action avant 2020 peut devenir une base pour un accord plus ambitieux à Paris, en créant de la confiance et en affirmant le rôle de leadership des pays développés».