Les changements climatiques ne perturbent pas que les ours polaires. Selon une étude publiée cette semaine dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, ils auraient même joué un rôle dans le déclenchement du conflit le plus sanglant à secouer actuellement la planète, soit la guerre civile en Syrie. Voici la séquence des événements telle que décrite par les auteurs.
1. UNE SÉCHERESSE INHABITUELLE
Entre 2006 et 2010, la pire sécheresse jamais enregistrée dans la région frappe le Croissant fertile, vaste zone du Moyen-Orient qui englobe une bonne partie du nord de la Syrie. La région est le grenier de la Syrie et lui fournit plus des deux tiers de ses récoltes. La production des petites et moyennes fermes tombe «à zéro ou tout près de zéro», écrivent les auteurs, alors que pratiquement tout le bétail est décimé.
2. UN AFFLUX DE RÉFUGIÉS
Entre 2007 et 2008, les prix du blé et du riz doublent en Syrie, tandis que le prix de la viande est propulsé à des sommets. Jusqu'à 1,5 million de Syriens quittent la campagne pour trouver refuge dans les villes, où ils s'entassent en périphérie, dans des conditions difficiles. Ils s'ajoutent à un nombre équivalent de réfugiés irakiens qui, de 2003 à 2007, ont fui leur pays dans la foulée de l'intervention américaine pour gagner la Syrie.
3. UNE AGITATION SOCIALE
L'afflux massif de déplacés dans les villes entraîne une augmentation du chômage, du crime et de l'agitation sociale. Selon les auteurs, il contribue aux révoltes du Printemps arabe qui, en mars 2011, gagnent la Syrie. «Nous ne disons pas que les changements climatiques ont déclenché la révolution, précise Colin Kelley, auteur principal de l'étude et chercheur à l'Université de Californie à Santa Barbara. Nous disons qu'ils ont empiré une sécheresse, et que cette sécheresse s'est couplée à une vulnérabilité préexistante causée notamment par de mauvaises politiques et une réponse lente et inefficace du régime Assad. La sécheresse a servi de catalyseur et a contribué à déclencher une chaîne d'événements.»
4. DE LA RÉPRESSION À LA GUERRE
La suite de cette tragique histoire est connue: le président syrien Bachar al-Assad tente d'étouffer la révolte de ses citoyens par la violence, multipliant les attaques et les arrestations contre les manifestants et les opposants politiques. Une partie de l'armée fait défection, des groupes rebelles sautent dans la mêlée et le conflit se transforme en guerre civile sanglante qui perdure depuis 4 ans et a fait plus de 200 000 morts.
5. LA FAUTE DE L'HUMAIN
Selon les auteurs de l'étude, on peut attribuer la sécheresse qui a contribué à déclencher la guerre syrienne aux activités humaines. Selon eux, la tendance au réchauffement et à l'assèchement qui touche actuellement la Syrie dépasse la variabilité naturelle du climat de la région. Le «réchauffement et l'assèchement observés sont conformes à la réponse provoquée par une augmentation des gaz à effet de serre telle que fournie par les modèles climatiques», écrivent les auteurs. Selon eux, les activités humaines ont rendu les longues sécheresses comme celle qui a frappé la Syrie en 2006 de deux à trois fois plus probables.