Accusé de harcèlement sexuel, l'Indien Ranendra Pachauri, qui a démissionné mardi de la présidence du groupe d'experts de l'ONU sur le climat, est un habitué des honneurs et hautes fonctions, mais aussi des critiques et controverses.

«Le bureau du GIEC s'est accordé mardi pour désigner, en conformité avec ses procédures, le vice-président Ismail El Gizouli comme président par intérim», indique dans un communiqué cette autorité scientifique internationale sur le changement climatique.

«La désignation de Gizouli intervient après la décision de Rajendra Pachauri de démissionner de ses fonctions de président du GIEC, effective ce jour (mardi)», poursuit le GIEC, réuni cette semaine à Nairobi.

«Les actions prises ce jour permettront que la mission du GIEC, qui consiste à mesurer le changement climatique, se poursuive sans interruption», a déclaré Achim Steiner, directeur du Programme des Nations unies pour l'environnement (UNEP), qui a organisé la réunion du bureau. «Nous nous attendons à une session productive à Nairobi cette semaine».

Le mandat de M. Pachauri devait s'achever en octobre et l'élection d'un nouveau bureau est d'ores et déjà prévue, précise le GIEC.

Formé en Grande-Bretagne et aux États-Unis, cet ingénieur et économiste de 74 ans, dirigeait depuis 2002 le Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (GIEC), organisme de l'ONU réunissant plus de 3000 scientifiques, qui a joué un rôle clé dans le diagnostic sur le réchauffement climatique. Ranendra Pachauri devait être remplacé à ce poste en octobre, quelques semaines avant la conférence mondiale sur le climat à Paris (COP 21) qui tentera de parvenir à un accord pour limiter le réchauffement climatique.

Toujours très poli, s'exprimant presque à voix basse, M. Pachauri, barbe poivre et sel, costume sombre, avait pris la succession de Bob Watson, un scientifique au franc-parler peu apprécié de Washington.

L'accession à la tête du GIEC de M. Pachauri avait suscité des inquiétudes dans les milieux environnementaux. Le WWF (Fonds mondial pour la nature) avait dénoncé une politisation de cette organisation de l'ONU et un lobbying intense des États-Unis, des pays producteurs de pétrole et d'une partie de l'industrie contre M. Watson.

Sous sa présidence, le GIEC a obtenu le Prix Nobel de la Paix 2007, mais la réputation de son patron avait été ternie par la révélation d'un certain nombre d'erreurs dans le 4e rapport des experts sur le climat, paru la même année. Il affirmait notamment à tort que les glaciers de l'Himalaya «pourraient disparaître d'ici à 2035, voire avant».

Des voix s'étaient élevées pour réclamer en vain sa démission. M. Pachauri avait admis que les erreurs portaient atteinte à la crédibilité du GIEC, mais souligné qu'on ne pouvait pas attendre de lui qu'il vérifie toutes les données.

Végétarien et amateur de cricket

Lorsqu'une enquête de l'ONU a émis une série de recommandations pour réformer le GIEC, M. Pachauri, dont les détracteurs critiquaient le manque d'expertise scientifique, a dénoncé «une posture guidée par l'idéologie».

Ce végétarien amateur de cricket a écrit une trentaine de livres, pour la plupart d'austères ouvrages sur l'environnement et l'énergie. Mais il est aussi l'auteur d'un roman érotique, Return to Almora, dont il a laissé entendre qu'il était en partie autobiographique.

Ce livre de 402 pages - sa première fiction - mêle sexe et réincarnation, et fait se rencontrer un héros à l'appétit sexuel hors normes, Sanjay, et l'actrice Shirley McLaine. Il décrit notamment comment Sanjay est «submergé par un désir qu'il n'a jamais connu auparavant».

Durant son mandat, M. Pachauri a siégé dans divers conseils d'administration et instances, en Inde et ailleurs. Il a notamment fait partie des dirigeants de la Oil and Natural Gas Corporation indienne et de la compagnie de gaz naturel indienne GAIL.

Il a toujours nié tout conflit d'intérêts avec ses fonctions à la tête du GIEC.

Il fait désormais l'objet d'une plainte pour harcèlement sexuel de la part d'une femme chercheuse dans son centre d'études de New Delhi, The Energy and Resources Institute (TERI). La plaignante l'accuse notamment de lui avoir envoyé courriels, textos ou messages instantanés via l'application WhatsApp, ce que nie M. Pachauri, qui affirme que son téléphone et sa messagerie internet ont été piratés.

Rajendra Pachauri est titulaire de nombreuses distinctions indiennes et internationales et a occupé des postes dans diverses universités en Inde, au Japon, aux États-Unis.

En Inde, il dirige depuis des décennies l'Institut pour l'énergie et les ressources de New Dehli, consacré au développement durable.

Cet homme plutôt réservé, père de trois enfants, fait remonter sa vocation de défenseur de l'environnement à son enfance passée sur les contreforts de l'Himalaya. «Lorsque j'étais enfant, tout était si beau et à l'abri de toute pollution», a-t-il expliqué. «On pouvait contempler la beauté de la nature, dans son état le plus parfait».