Les pays de la convention de l'ONU sur le climat ont adopté vendredi à Genève un texte de négociation en vue du tout premier accord multilatéral pour lutter contre le réchauffement climatique, espéré en décembre lors de la conférence de Paris.

Ce texte, qui a ce stade inclut toutes les positions, a été largement salué comme une base de travail, gage de transparence et de confiance entre les parties.

Mais il promet d'intenses tractations dans les mois à venir tant les points de vue divergent.

«Pouvons-nous considérer que le texte de négociation que vous avez livré aujourd'hui à Genève est le texte de négociation sur lequel (nous) entamerons des négociations substantielles?», a demandé en séance plénière de clôture le coprésident des débats, Daniel Reifsnyder.

«N'entendant aucune objection, il en est ainsi décidé», a-t-il ajouté, une déclaration accueillie par une salve d'applaudissements.

Les délégués étaient réunis depuis dimanche au palais des Nations pour travailler sur un texte ébauché lors de la conférence de Lima en décembre.

Six jours plus tard, le texte, qui a plus que doublé de volume, «reflète les propositions faites par toutes les parties», a souligné M. Reifsnyder, saluant l'engagement de tous au cours de cette semaine.

La prochaine réunion de négociation aura lieu en juin à Bonn, six mois avant l'ouverture de la conférence de Paris.

D'ici juin, les échanges informels promettent donc d'être abondants, pour tenter de faire progresser des positions très différentes sur les moyens de lutter contre le réchauffement planétaire.

Pour la responsable climat de l'ONU, «les délégués (...) partent dans de très bonnes dispositions».

«Nous avons un texte de 86 pages», a dit Christiana Figueres à la presse. «Cela rend (la session de) juin un petit peu plus difficile, mais il a une valeur énorme, car il est reconnu comme le texte formel de négociation et toutes les parties voudront fortement s'impliquer».

«Esprit de Genève»

Les gouvernements se sont fixé depuis 2009 l'objectif de contenir l'élévation de la température mondiale à +2° d'ici la fin du siècle par rapport aux niveaux d'avant la Révolution industrielle.

Ce qui implique de restreindre radicalement les émissions de gaz à effet de serre, chaque année plus importantes dans le monde.

Si les émissions se poursuivent, les scientifiques mettent en garde contre les effets dévastateurs d'un réchauffement de +4 ou 5° en 2100 et surtout non stabilisé: désertification, inondations, montée du niveau de la mer...

À moins de 300 jours de la conférence de Paris, la route vers un accord ambitieux paraît longue.

«Nous nous sommes mis d'accord sur un texte de négociation, c'est positif, car c'est une base pour avancer», a dit à l'AFP Elina Bardram, la représentante de l'UE.

Mais «les négociations difficiles sont devant nous et le temps manque».

Laurence Tubiana, envoyée spéciale du gouvernement français chargé de préparer la conférence de Paris, a souligné «la volonté intacte» de tous de parvenir à un accord.

«Mais nous ne sommes pas entrés dans des discussions très difficiles», poursuit-elle. «Et tout le monde s'attend à des difficultés».

Au coeur des divisions entre négociateurs depuis des années: la répartition de l'effort entre pays développés et en développement.

Alors que Paris doit prendre le relais du protocole de Kyoto en impliquant pour la première fois l'ensemble des pays dans l'effort de réduction des gaz à effet de serre, les pays en développement estiment qu'ils ne doivent pas être traités comme les pays industrialisés.

Ils invoquent leur droit au développement et la «responsabilité historique» des pays riches dans le réchauffement.

Les pays riches pointent eux la part croissante d'États comme la Chine ou l'Inde dans les émissions mondiales.

Résultat : dans le chapitre «finances» du projet de texte par exemple, les options vont d'engagements précis des pays développés à un accord sans «engagements individuels et quantifiés».

Parallèlement aux négociations, les États sont invités à publier leurs engagements en matière de réductions d'émissions, dont la somme ne permettra «probablement pas» de tenir l'objectif des +2°, indique Mme Tubiana.

Mais Genève aura permis de rétablir une confiance entre les parties, parfois mise à mal dans le passé. «C'est important que cet +esprit de Genève+ se maintienne et se renforce jusqu'à Bonn», a-t-elle souligné.

Les grandes dates jusqu'à Paris

Après la réunion de Genève, plusieurs grands rendez-vous vont jalonner cette année de négociation sous l'égide de l'ONU en vue d'un accord multilatéral espéré en décembre à Paris pour lutter contre le réchauffement climatique.

- AVANT le 31 MARS : les pays «qui sont en mesure de le faire» doivent annoncer leur engagement, appelé «contribution nationale», pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre, mesures cruciales pour freiner le réchauffement planétaire.

- 31 MAI : date-butoir pour l'envoi du projet officiel de texte, adopté vendredi à Genève, aux 195 pays membres de la Convention de l'ONU sur le climat.

- MARS ET MAI : deux réunions informelles seront organisées par la présidence péruvienne des négociations et la future présidence française, à Lima puis Paris. D'un format plus restreint, elles seront consacrées aux «points difficiles» et ouvertes à tous les pays qui le souhaiteraient, selon la négociatrice française Laurence Tubiana.

- DU 1er AU 11 JUIN : réunion intermédiaire de négociations sur le futur accord à Bonn, siège du secrétariat de la Convention.

- DU 7 AU 10 JUILLET : Conférence scientifique sur le changement climatique à l'UNESCO à Paris

- 31 AOUT au 4 SEPTEMBRE : 3e session de négociations intermédiaires de l'année, à Bonn, pour préparer l'accord de Paris.

- 19 au 23 OCTOBRE : 4e session de négociations intermédiaires à Bonn

- OCTOBRE/NOVEMBRE : préconférence de Paris (au niveau ministériel)

- 1ER NOVEMBRE : publication par le secrétariat de la Convention de l'ONU sur le climat d'une synthèse des engagements nationaux de réduction des gaz à effet de serre, afin de mesurer l'effort global.

- 30 NOVEMBRE-11 DÉCEMBRE : 21e conférence de l'ONU sur le climat, sur le site du Bourget, près de Paris.