«Malheureusement, on ne peut pas faire grand-chose, beaucoup de glaciers vont disparaître», constate amèrement Bolivar Caceres, expert équatorien qui observe depuis une quinzaine d'années la fonte rapide des glaciers andins sous l'effet du réchauffement climatique.

Cette question préoccupante est au coeur des négociations internationales qui ont démarré lundi à Lima, quelque 190 délégations du monde entier devant poser, d'ici deux semaines, les jalons d'un accord pour limiter la hausse globale de la température.

À des milliers de kilomètres de là, le volcan Antisana, qui culmine à 5700 mètres, au sud-est de Quito, est le lieu des recherches menées par Bolivar Caceres, un des pionniers dans ce domaine en Équateur.

Expert pour l'Institut national de météorologie et hydrologie (INAMHI), il grimpe régulièrement depuis 16 ans sur ce volcan éteint dont le sommet est recouvert de neige. Mais pour récolter des données de cette neige, il doit à chaque fois monter plus haut.

«C'est impressionnant comment, en seulement quelques années, la superficie glacée a diminué», s'inquiète-t-il. À 600 mètres du sommet d'Antisana, la neige commence déjà à se transformer en eau. Plus bas, les bruits des ruisseaux se mêlent à celui du vent.

Si l'Équateur compte sept volcans enneigés, au total c'est une superficie d'environ 1700 kilomètres carrés, sur la cordillère des Andes, qui est parsemée de glaciers, répartis également sur la Bolivie, la Colombie et le Pérou.

À la fin des années 1980, l'Équateur comptait 92 kilomètres carrés de superficie glacée. En 2010, seulement 42 kilomètres carrés, et cette année, la superficie glacée devrait encore baisser à 38, selon Bolivar Caceres, soit une perte de 30 à 50 %.

Les scientifiques expliquent ce phénomène par les changements de cycles dans la nature, mais de plus en plus une autre explication est avancée : le réchauffement climatique provoqué par l'activité humaine, en particulièrement les émissions de dioxyde de carbone par l'industrie.

Depuis le début du 20e siècle, la température a déjà augmenté de 0,8 degré, affectant les glaciers, considérés par la communauté scientifique comme de véritables «sentinelles» du réchauffement global.

«Le pire survient au niveau des pôles, mais dans les montagnes tropicales l'impact est très fort» également, indique à l'AFP Olivier Dangles, directeur pour l'Équateur de l'Institut français de recherche pour le développement (IRD).

Mouches et grenouilles menacées

En Bolivie, les neiges éternelles du Chacaltaya, près de La Paz, ont disparu en 2010. Le massif haut de 5400 mètres se vantait d'héberger la piste de ski la plus élevée au monde.

Au Pérou, où se trouvent 71 % des glaciers tropicaux andins, certains d'entre eux, comme le Pastoruri, sont en voie de disparition, avec une conséquence potentiellement dangereuse : la formation de plus de 1000 lagunes qui pourraient déborder, en raison de l'activité sismique de la zone.

Cette fonte a même perturbé des rites indigènes, comme celui de Qoyllur Rit'i, une festivité qui implique de récolter de la glace.

Selon une récente étude de l'Autorité nationale de l'eau (ANA), le réchauffement climatique a provoqué la fonte de 40 % de la surface des glaciers péruviens au cours des 44 dernières années.

Et la situation n'est guère meilleure en Colombie, où une étude de 2013 avait montré qu'il ne restait plus que 16 % des glaciers recensés en 1850.

En fondant, les glaciers n'augmentent pas seulement le niveau de la mer - de 24 centimètres selon une étude de 2011 soutenue par l'IRD -, ils affectent aussi la disponibilité en eau douce, ainsi que le flux et la composition des rivières.

«Un glacier est vu seulement comme un château d'eau, mais nous les écologistes, nous savons que dans les rivières que forment ces châteaux, il y a des espèces qui remplissent une fonction importante», explique Olivier Dangles.

Beaucoup moins impressionnantes que les ours polaires, eux aussi menacés par le réchauffement, différentes espèces de mouches et des grenouilles souffrent de la fonte des glaciers.

«Quand un glacier fond, c'est comme si un peintre, dans ce cas la nature, perdait une couleur dans sa palette. Chaque couleur équivaut à un écosystème unique», assure le représentant de l'IRD.