Les experts sur le climat ont publié dimanche à Copenhague une évaluation mondiale dont le message est clair: face à l'ampleur du réchauffement, il faut agir vite pour réduire les émissions de CO2, ce qui est possible sans compromettre la croissance.

«Nous avons peu de temps avant que la possibilité de rester sous les 2°C ne disparaisse», déclare dans un communiqué Rajendra Kumar Pachauri, le président du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), qui a réalisé la plus complète évaluation du changement climatique depuis 2007.

Elle doit servir de base scientifique aux responsables politiques dans les négociations internationales devant aboutir fin 2015 à Paris à un accord global.

Les ministres français des Affaires étrangères Laurent Fabius et de l'Écologie Ségolène Royal ont appelé à «une mobilisation universelle et immédiate» sur le changement climatique, «menace grave pour la biodiversité, la sécurité alimentaire et la santé».

Pour le secrétaire d'État américain John Kerry, «ceux qui décident d'ignorer ou de contester la science (...) nous mettent tous en danger, ainsi que nos enfants et petits-enfants».

Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU s'est élevé contre «le mythe» selon lequel «agir pour le climat sera couteux». «Je peux vous dire que ne pas agir coutera plus, beaucoup plus», a-t-il affirmé.

La communauté internationale s'est fixé comme objectif de maintenir la hausse globale des températures sous le seuil de 2°C, afin de limiter les impacts du changement climatique déjà à l'oeuvre et dont la vitesse est inédite.

Pour garder le cap des 2°C, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (CO2, méthane, protoxyde d'azote) doivent être réduites de 40 à 70% entre 2010 et 2050, et disparaître totalement d'ici 2100, estiment les scientifiques.

Cela implique de se détourner massivement des énergies fossiles, d'améliorer fortement l'efficacité énergétique, de limiter la déforestation, etc, et d'investir pour cela des centaines de milliards de dollars d'ici à 2030.

Pour autant, ce tournant énergétique ne compromettrait pas la croissance mondiale, mettent en avant les experts (climatologues, économistes, océanographes, etc).

Des efforts «ambitieux» de réduction de gaz à effet de serre feraient baisser de 0,06 point le taux annuel de la croissance mondiale, estimé entre 1,6 et 3% au cours du 21e siècle, avancent-ils.

Cette estimation ne prend pas en compte les bénéfices économiques liés à l'atténuation du changement climatique (infrastructures, agriculture, pêche, santé, etc.).

«Nous avons les moyens de limiter le changement climatique», a insisté M. Pachauri, pour qui «les solutions sont nombreuses et permettent un développement économique et humain continu». «Tout ce dont nous avons besoin, c'est de la volonté de changer», a-t-il ajouté.

Youba Sokona, vice-président du Giec, souligne de son côté que «plus nous attendons pour agir, plus ce sera couteux».

Record de 800 000 ans

Et s'il n'était pas «contrôlé», le changement climatique aurait des impacts «graves, étendus et irréversibles», indique le Giec.

Pour les auteurs du rapport, «limiter les effets du réchauffement climatique pose la question de l'équité et de la justice et est nécessaire pour atteindre un développement durable et éradiquer la pauvreté».

Les experts soulignent que les populations les plus vulnérables, notamment celles des pays les moins développés, auront moins de moyens pour faire face aux impacts du réchauffement.

Cette nouvelle évaluation globale est le fruit d'un colossal de partage des connaissances (30 000 études passées en revue, 800 auteurs principaux): c'est la cinquième publiée par le Giec après celles de 1990, 1995, 2001 et 2007.

Elle reprend les résultats de trois rapports thématiques rendus en septembre 2013 (preuves du réchauffement), en mars 2014 (impacts) et en avril 2014 (mesures pour atténuer la hausse des températures).

«L'atmosphère et les océans se sont réchauffés, les quantités de neige et de glace ont diminué, le niveau de la mer a augmenté», a résumé Thomas Stocker, vice-président du Giec.

Les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère ont atteint les niveaux les plus élevées depuis 800 000 ans.

Conséquence: la température moyenne à la surface de la planète a gagné 0,85°C entre 1880 et 2012, une vitesse inédite. Celle à la surface des océans a augmenté de 0,11°C par décennie entre 1971 et 2010.

Le niveau moyen des océans s'est lui élevé entre 1901 et 2010 de 19 cm.

Dans la région de l'Arctique, qui se réchauffe plus rapidement que la moyenne de la planète, la surface de la banquise a diminué de 3,5 à 4,1% par décennie entre 1979 et 2012.

À noter que l'Antarctique suit le chemin inverse (+ 1,2 à 1,8%), même si certaines régions de ce continent ont perdu de la glace.

Les impacts sont déjà visibles sur tous les continents: précipitations accrues dans certaines zones et en baisse ailleurs, répartition modifiée des espèces marines et terrestres, rendements agricoles globalement en baisse, vagues de chaleur plus fréquentes en Europe, Asie, Australie.

Le réchauffement se poursuivant, le Giec prévient qu'à l'avenir, les conséquences seront plus lourdes en terme de sécurité alimentaire, de disponibilité en eau potable, de risques d'inondations et de tempêtes, avec une hausse probable des déplacements de population et de conflits pour l'accès aux ressources.

Les ONG appellent à l'abandon des énergies fossiles

Plusieurs grandes ONG ont insisté dimanche, après la publication du rapport du Giec sur le climat, sur la nécessité pour les gouvernements d'agir rapidement et d'abandonner progressivement les énergies fossiles.

Le rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) dit que «notre dépendance aux énergies fossiles est la source de pollution de loin la plus importante» du réchauffement, a commenté dans un communiqué Samantha Smith, responsable Energie et Climat au Fonds mondial pour la nature (WWF).

«Une action rapide et décisive pour se détourner des combustibles fossiles en particulier peut maintenir la hausse de la température globale sous 2°C», a ajouté la porte-parole.

Pour Martin Kaiser, responsable des questions climatiques à Greenpeace International, «les gouvernements doivent abandonner dès maintenant et progressivement le charbon et le pétrole ou ils finiront par le faire plus tard, mais ce sera plus coûteux».

«Les énergies renouvelables et une utilisation efficace de l'énergie sont les manières les plus rapides et les plus propres de réduire les émissions» de gaz à effet de serre», a ajouté le militant écologiste.

«Les solutions existent, il faut réduire la consommation, mettre fin aux énergies fossiles, à la déforestation, repenser nos systèmes agricoles, promouvoir des systèmes énergétiques décentralisés, aux mains des citoyens, basés sur les énergies renouvelables», a commenté Florent Compain, président des Amis de la Terre France.

Les Amis de la Terre estiment toutefois que toutes les solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas bonnes.

«On ne peut pas jouer aux apprentis-sorciers en recourant à des subterfuges comme la capture et le stockage de carbone, le nucléaire, la géo-ingénierie, les agrocarburants ou la compensation et les marchés du carbone», estime Florent Compain.

L'ONG Care a mis en avant les risques que représente le changement climatique pour la sécurité alimentaire, en particulier pour les plus vulnérables. «Agir contre le changement climatique et aider les populations les plus vulnérables à s'adapter est un devoir moral pour les pays développés», affirme l'ONG dans un communiqué.

La communauté internationale s'est fixé comme objectif de limiter la hausse des températures à 2°C et doit sceller fin 2015 à Paris un accord international pour y parvenir.