Après une session qui a duré jusqu'au petit matin, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) mettait la touche finale, samedi, à un guide scientifique voué à aider les gouvernements, les industries et les citoyens à prendre des mesures pour empêcher le réchauffement climatique d'atteindre un niveau menaçant.

Comme toujours lorsque le comité d'experts sur les changements climatiques de l'ONU adopte un rapport, les discussions, qui ont duré une semaine à Berlin, ont été ralenties par des argumentations entre scientifiques et gouvernements sur les bons mots, les chartes et les tableaux à inclure dans le sommaire de 30 pages d'un rapport beaucoup plus étoffé.

Ce travail consciencieux vise à clarifier les complexités de la science du climat pour le commun des mortels, mais reflète aussi les acrobaties politiques qui caractérisent les discussions internationales sur le climat qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas donné de résultats dans le ralentissement des émissions de carbone.

«Parfois, on dirait que le GEIC ne veut que mettre les faits de l'avant, alors qu'évidemment, ce n'est pas approprié. Ce n'est pas que de la science, ni que de la politique», affirme un chercheur de l'université Oxford qui a participé à trois des évaluations précédentes du GEIC, Steve Rayner.

En guise de démonstration, une dispute a éclaté à Berlin sur la façon de catégoriser les pays dans des graphiques montrant les émissions de gaz carbonique dans le monde, dont la croissance est la plus rapide en Chine et dans d'autres pays en développement. Comme beaucoup d'études scientifiques l'ont fait, le GEIC a utilisé un graphique des émissions par pays, répartis en quatre catégories selon leurs revenus.

Mais plusieurs pays en voie de développement voulaient que les graphiques ne présentent que deux catégories, tout comme dans les discussions sur le climat de l'ONU. Quant à eux, les délégués américains voulaient que le tableau soit encore plus spécifique et montre quels pays appartiennent à chacune des catégories.

Cet incident, en apparence banal, reflète bien les divergences d'opinions récurrentes au sein de l'ONU, qui doit conclure une entente mondiale sur le climat l'an prochain. Les États-Unis et d'autres nations veulent éradiquer la division simple «pauvres-riches» pour que des pays à l'économie émergente tels que la Chine, le Brésil et l'Inde adoptent des normes d'émissions de gaz à effets de serre plus sévères que celles des pays pauvres. Les pays en développement, eux, s'inquiètent que cela soit une manière pour les pays riches de se dégager de leurs responsabilités face à la baisse des émissions.

Cette impasse semblait avoir été débloquée, tôt samedi, après 20 heures de négociations en coulisse menées par le vice-président du groupe Jean-Pascal van Ypersele.

Un autre exemple rapporté anonymement par des participants veut que l'Arabie Saoudite se soit opposée à ce que le texte mentionne que les émissions de carbone doivent être réduites de 40 à 70 pour cent d'ici 2050 pour que le réchauffement se limite à deux degrés Celsius. Les Saoudiens considéreraient qu'il s'agissait d'une «prescription de politique», bien que cela reflète les conclusions scientifiques.

L'économiste environnemental suédois Thomas Sterner, un des auteurs principaux d'un chapitre du rapport, a soutenu que le processus peut devenir frustrant pour les scientifiques.

«Chaque virgule fait l'objet d'une dispute», a-t-il dit.

Chris Field a quant à lui assumé la coprésidence d'une session du GEIC au Japon le mois dernier. Il compare le processus de rédaction des documents à un système de soupapes. Les scientifiques ont le contrôle d'une soupape à deux directions: ils peuvent autant ajouter que retirer des passages du document. Les politiciens, eux, ont une soupape simple: ils ne peuvent qu'effacer des passages.

Selon M. Field, plusieurs des interventions du gouvernement peuvent être «incroyablement utiles» pour clarifier le texte.

«C'est un procédé plutôt extraordinaire. Mais certaines interventions ne sont pas aussi efficaces.»

Le document final qui doit être publié dimanche devrait démontrer qu'un virage énergétique vers les énergies renouvelables est nécessaire pour éviter la hausse dévastatrice du niveau des mers, les inondations et autres conséquences du réchauffement.