La conférence de Varsovie sur le climat se termine aujourd'hui. Elle restera dans les annales comme celle de l'immobilisme et de l'antagonisme.

Pour l'ex-ministre de l'Environnement et député libéral de Saint-Laurent-Cartierville, Stéphane Dion, il faut assumer l'échec de Varsovie.

«Le seul progrès qu'on fait, c'est qu'on admet qu'on ne progresse plus», affirme M. Dion, en entrevue à La Presse.

«On cherche en vain les pays qui ont augmenté leurs cibles, dit-il. Et on compte plutôt ceux qui les ont réduites, comme l'Australie et le Japon.»

Comme ministre de l'Environnement, M. Dion a présidé la conférence de Montréal sur le climat en 2005. Il a été défait aux élections générales de 2008 à la tête du Parti libéral alors qu'il proposait une taxe carbone pour freiner les émissions canadiennes de gaz à effet de serre (GES).

La taxe aurait été accompagnée de baisses d'impôt. Le Parti conservateur avait rebaptisé son projet la «taxe sur tout».

Aujourd'hui, il prône toujours cette voie, même si cela lui a coûté une défaite et qu'une pareille mesure a aussi contribué à la défaite du gouvernement travailliste en Australie.

Il croit que Varsovie devrait être l'occasion de constater l'échec de l'approche qui prévaut depuis 20 ans, soit d'essayer d'obtenir des pays du monde qu'ils se fixent des objectifs absolus de réduction des émissions.

«Il faut changer la négociation, dit-il. Au lieu de négocier des cibles nationales, négocions un prix mondial du carbone. Il faut tendre vers ça.»

Il croit que cela n'empêcherait pas l'essor de l'industrie pétrolière canadienne, même s'il est d'accord qu'il faudrait un prix d'environ 80$ la tonne de carbone pour stabiliser le climat.

«Si le prix est payé par tout le monde, le pétrole de tout le monde devient plus dispendieux, que ce soit au Moyen-Orient ou ailleurs, dit-il. Et tout le monde devra investir pour réduire ses émissions. Et ces investissements profiteraient à l'Alberta.»

«La Chine aura de la difficulté à avoir une cible absolue de réduction, dit-il. Mais avec un prix sur les émissions de carbone, tout le monde est sur un pied d'égalité et on remet le compteur à zéro.»

M. Dion a aussi critiqué la Pologne parce qu'elle a organisé un sommet sur l'industrie du charbon en même temps que la conférence sur le climat. «C'est comme organiser une conférence de l'industrie du tabac pendant un sommet sur le cancer!», a-t-il lancé.

Par ailleurs, il applaudit les organisations non gouvernementales, qui ont claqué la porte de la conférence de Varsovie hier. Une première en 19 ans pour un groupe qui comprend Oxfam, Greenpeace et le Fonds mondial pour la nature (WWF).

«C'est nouveau et c'est sain, dit-il. Ces dernières années, les organisations aidaient les politiciens à sauver la face et s'accrochaient au moindre petit progrès.»

Selon Patrick Bonin, de Greenpeace, les organisations internationales sont cependant loin d'abandonner l'approche qui prévaut depuis le début des négociations climatiques internationales.

«Il faut des engagements légalement contraignants pour chaque pays, dit-il. C'est clairement indiqué dans la Convention sur le climat de 1992 que les pays développés doivent assumer le leadership.»

Science: l'urgence établie

La science climatique est plus claire que jamais: il n'y a pas de temps à perdre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Une recherche parue cette semaine dans la revue Nature Climate Change conclut que chaque année qui passe sans diminution des émissions augmentera la vitesse du réchauffement. Et selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), une action rapide et énergique pourrait permettre de ralentir la hausse des océans, mais avec le laisser-aller, la hausse va continuer de s'accélérer.

En route vers un échec à Paris?

Varsovie devait permettre de dégager une piste vers une entente à Paris en 2015 pour limiter à 2 degrés Celsius le réchauffement de la planète. Actuellement, on se dirige vers 4 degrés. «Est-ce que ce texte nous met sur la voie des 2°C? a demandé Connie Hedegaard, commissaire au climat de l'Union européenne. Ma réponse est non.» Les États-Unis ont rejeté le modèle du protocole de Kyoto, qui fixait des cibles de réduction seulement aux pays industrialisés. La Chine, elle, tient à ce modèle. Toute entente «devrait être conçue de façon à distinguer les pays développés des pays en développement», a affirmé le ministre chinois de l'Environnement, Xie Zhenhua.

Une grève de la faim inutile

Alors que son pays était dévasté par le typhon Haiyan, Yeb Sano, le commissaire au climat des Philippines, a donné le ton, le premier jour de la conférence, en lançant une grève de la faim afin d'obtenir «la justice climatique pour les pays les plus pauvres». Le résultat n'aurait pas pu être plus décevant pour lui. Mercredi, 133 pays en développement ont claqué la porte d'une négociation sur la concrétisation d'une promesse faite par les pays industrialisés à Copenhague en 2009 de fournir 100 milliards aux pays pauvres pour qu'ils s'adaptent aux impacts des changements climatiques.

Afrique: Facture de 350 milliards

Plus un pays est pauvre, plus il risque de subir les conséquences du dérèglement climatique alors qu'il n'a presque pas contribué à le causer. Et pour la première fois, on a une idée de la facture pour l'Afrique. Selon le Programme des Nations unies pour l'environnement, s'adapter aux changements climatiques coûterait 350 milliards chaque année, jusqu'en 2070, pour le continent le plus pauvre de la planète.

Les ONG claquent la porte

C'est une première dans l'histoire des conférences sur le climat - et Varsovie est la 19e. Hier, les grandes organisations non gouvernementales comme Oxfam, Greenpeace et le Fonds mondial pour la nature (WWF) ont quitté la conférence avant sa clôture. D'ordinaire, elles restent jusqu'à la fin afin d'extraire un maximum de progrès. Pas cette fois. «On n'a vu à Varsovie aucune avancée sur les réductions d'émissions ni aucun appui pour l'adaptation d'ici 2020 - en fait, on observe des reculs. Et il n'y a pas de piste claire vers un accord complet et équitable à Paris en 2015», ont déclaré les ONG dans un communiqué commun.