Commencer à bâtir le grand accord sur la lutte contre le changement climatique attendu en 2015 : avec cette feuille de route ambitieuse en main, des délégations du monde entier se sont retrouvées lundi à Bonn sous l'égide de l'ONU pour un nouveau round de négociations.

Six mois après les maigres résultats de la conférence de Doha, le processus onusien est tourné vers 2015, date à laquelle est promis un accord ambitieux pour tenter de faire dévier la planète de son inquiétante trajectoire vers un réchauffement de 3 °C à 5 °C. Une trajectoire plus que jamais redoutée alors que la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère vient de franchir le seuil symbolique de 400 parties par million, qui n'avait pas été atteint depuis des millions d'années.

À Bonn, les douze jours de discussions doivent permettre de commencer à esquisser cet accord censé être adopté en 2015, nouveau temps fort à l'agenda de négociations à la peine depuis le fiasco du sommet de Copenhague en 2009.

Les délégués doivent aussi voir comment faire mieux dès maintenant, en matière de réduction de gaz à effet de serre comme de financements, sachant que ce nouvel accord n'entrera en vigueur qu'en 2020.

«Face au défi d'avoir dépassé les 400 ppm pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, je n'ai pas besoin de vous rappeler que nous ne pouvons simplement pas nous permettre de ne pas obtenir de résultats urgents», a rappelé lundi aux délégués la responsable climat de l'ONU, Christiana Figueres.

«Les négociations sont entrées dans une phase critique de conception de l'accord de 2015», a-t-elle souligné.

L'accord conclu en 2015 devra engager désormais tous les pays, dont la Chine et les États-Unis, les deux plus grands émetteurs de CO2, à réduire leurs émissions. Seuls les pays industrialisés soumis au protocole de Kyoto - jamais ratifié par les États-Unis - ont actuellement des engagements chiffrés.

«Rôle décisif» de l'UE

Un tel accord global entraîne nombre de questions à résoudre d'ici 2015 : comment les pays peuvent mettre des engagements sur la table? Quel type d'engagement? Les pays émergents doivent-ils avoir le même niveau de contrainte que les pays du Nord?

«Pour l'instant, les travaux ont été agréablement constructifs, mais j'ai entendu un négociateur d'un pays émergent dire que, quand nous entamerons les négociations réelles, ce sera un bain de sang!», glisse un négociateur européen.

Dans ces négociations serrées, l'Union européenne «est en position de jouer un rôle décisif», a estimé Jason Anderson, responsable des questions climat et énergie au WWF, notamment car deux des trois prochaines conférences climat auront lieu sur le sol européen : à Varsovie, du 11 au 22 novembre prochain, et très probablement à Paris fin 2015 (la candidature française doit être officiellement avalisée à Varsovie).

Les 194 pays négociant sous l'égide de l'ONU se sont engagés à limiter le réchauffement à + 2 °C par rapport à l'époque pré-industrielle. Mais plusieurs études récentes ont montré que les engagements actuels n'étaient pas en ligne avec cet objectif. Le prochain grand état des lieux scientifique sur le réchauffement est attendu en septembre avec la publication du nouveau rapport des experts de l'ONU, le GIEC.

«Nous avons déjà observé de réelles modifications dans les précipitations, dans les rendements des cultures et une augmentation des tempêtes et des sécheresses qui affament les populations autour de la planète», a rappelé Harjeet Singh, en charge des questions d'adaptation au sein de l'ONG Action Aid International.

Pour Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace International, il n'y a «pas de raison» d'espérer un nouvel élan à Bonn.  «Le système de négociation de l'ONU est très lourd, problématique, fastidieux. Cependant, l'ONU est le meilleur et le seul véhicule que nous ayons pour pouvoir avancer, de façon unie», a-t-il ajouté, interrogé à Manille par l'AFP.