Québec prévoit des investissements de 2,7 milliards $ pour mener à bien la première phase de son plan d'action sur les changements climatiques (PACC), qui sera entièrement financée par un futur marché du carbone, entre 2013 et 2020.

Le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, M. Pierre Arcand, et le ministre des Transports, M. Pierre Moreau, ont fait cette annonce dimanche, lors d'une conférence de presse.

Le PACC 2013-2020 ciblera en priorité le «verdissement» du secteur des transports, qui, au Québec, avec 43% des émissions, est de loin le plus grand émetteur de gaz à effet de serre (GES), responsable des changements climatiques.

Les deux tiers des budgets prévus, soit près de 1,8 milliard $, seront investis dans les transports collectifs et actifs, le transport des marchandises, et les programmes d'incitation à l'achat de véhicules électriques, hybrides, ou à faible consommation d'essence.

«Au niveau de l'agriculture, au niveau de la gestion des matières résiduelles, au niveau de l'industrie, il y a eu une diminution des gaz à effet de serre. Malheureusement, il y a eu une augmentation dans le transport», a affirmé à La Presse le ministre Arcand pour expliquer le choix de cette cible.

Les 30 priorités d'action identifiées par le plan, et les réalisations qui en découleront, devraient permettre de réduire de 6,1 millions de tonnes les émissions de gaz à effet (GES) produites au Québec, selon le document rendu public dimanche. Cela représente un peu plus de la moitié des quantités nécessaires pour atteindre la cible gouvernementale de réduction des émissions GES, fixée à 20% sous le niveau de 1990, d'ici 2020.

«En fonction des budgets supplémentaires disponibles, précise le document, d'autres initiatives visant des réductions additionnelles des GES seront ajoutées, dans le cadre d'une deuxième phase du PACC 2020».

Accueil mitigé

Les groupes écologistes ont assez bien accueilli les mesures annoncées par le gouvernement Charest, tout en soulignant que les coups de barre pourraient être effectués plus rapidement.

Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, Greenpeace et Nature Québec se sont par exemple dit déçus de l'annonce, «malgré les quelques bonnes mesures qui s'y retrouvent».

«Bien que le ministre de l'environnement, monsieur Pierre Arcand, ait démontré une volonté réelle de pousser sur son gouvernement, celui-ci lui fait faux bond», a analysé le président de l'AQLPA, André Bélisle.

La réaction est essentiellement la même du côté d'Équiterre et de la Fondation David Suzuki.

Mais Pierre Arcand ne s'en fait pas avec cet accueil mitigé.

«Les groupes écologistes, et c'est leur rôle, veulent toujours qu'on aille plus vite», a-t-il indiqué. «On a beau prendre des mesures, si demain matin on se retrouve avec 20 % de chômage, ça ne tient pas la route. Il faut vraiment aller dans une direction qui est rassembleuse.»

Marché

La pièce centrale de cette «Phase 1» du plan gouvernemental est l'instauration d'un futur «marché du carbone», dont les revenus devront financer les actions prévues au PACC. Son principe est semblable à celui d'une bourse. Les entreprises dans chaque secteur seront assujetties à un plafond d'émission, fixé par le gouvernement. Lorsqu'elles dépasseront les quantités autorisées, elles devront acheter des crédits de carbone sur un marché où le prix de la tonne de GES fluctuera en fonction de l'offre et de la demande.

Les grandes entreprises émettrices de GES, comme les papeteries et les alumineries, seront les premières à être assujetties à ce marché, à compter du 1er janvier 2013.

Ce n'est toutefois qu'en 2015 que ce «marché» produira des revenus substantiels et prévisibles, quand les entreprises pétrolières devront verser au gouvernement du Québec des droits d'émissions pour tous leurs produits mis en marché. Ces droits ont été fixés par règlement à un prix minimum de 10$ la tonne de GES.

Dans l'intervalle, le prolongement de la redevance sur les carburants et combustibles fossiles, que versent déjà les pétrolières, devrait générer des revenus de 220 millions, d'ici 2014.

Par la suite, «le marché du carbone générera des revenus de 2,445 milliards $, établis en fonction du prix minimal du carbone sur le marché, fixé par règlement», assure le PACC.

Le ministre Arcand assure que les milliards $ nécessaires pour les investissements prévus seront au rendez-vous dans les coffres de la bourse du carbone.

«Les revenus qu'on a prévu sont basés sur le prix plancher», a-t-il expliqué. «À partir du moment où on a cette bourse qui demande une réduction des gaz à effet de serre, on a des revenus assurés, à toutes fins pratiques. Ce qui risque au contraire de se produire, c'est que ces revenus soient plus élevés. On a même travaillé sur des scénarios à 18 $ et à 20 $ la tonne.»

Industries et bâtiments

Le secteur industriel, responsable de plus quart des émissions annuelles au Québec, pourra bénéficier de «contributions non remboursables, de prêts ou de garanties de prêts» totalisant 200 millions $, notamment pour implanter «des mesures d'efficacité énergétiques en entreprise, des équipements de valorisation énergétique, ou la conversion énergétique».

Les maisons, les logements, les centres commerciaux, les édifices institutionnels et l'immeuble à bureaux, dont le chauffage contribue près de 15% des GES produits au Québec, font aussi l'objet d'une attention particulière.

Plus de 123 millions $ sont prévus pour des programmes de conservions aux énergies renouvelables, et visant à «favoriser l'efficacité énergétique dans les bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels».

Le PACC prévoit aussi un budget de 34 millions $, d'ici 2020, pour «verdir les normes du bâtiment» et favoriser l'utilisation d'énergie renouvelable au lieu des produits du pétrole.

Une réglementation plus contraignante sera aussi mise de l'avant par Québec afin de convaincre les propriétaires d'immeubles de bureaux et commerciaux d'améliorer leur bilan environnemental.

Québec prévoit, notamment, «utiliser les mécanismes d'intervention nécessaires afin d'éliminer l'utilisation du mazout lourd dans le chauffage des bâtiments commerciaux» d'ici 2018.

Dans les supermarchés, les dépanneurs, les arénas, les appareils de réfrigération, qui produisent une grande quantité d'halocarbures, devront respecter de nouvelles exigences à partir de 2014, afin de réduire l'utilisation de ces GES. Ces exigences seront étendues à tous les appareils existants, d'ici 2020.

Près de 20 millions $ sont prévus pour favoriser une réduction de l'utilisation de ces halocarbures, d'ici 2020.

- Avec Philippe Teisceira-Lessard

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Principaux investissements

> Transports collectifs et actifs

1,537 milliard

> Industrie - Améliorer le bilan carbone des entreprises

200 millions

> Bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels

123 millions

> Municipalités - adaptation aux changements climatiques et aménagement durable du territoire

94 millions

> Intermodalité et logistique

85 millions

> Réduire l'empreinte environnementale du camionnage

77 millions

> Favoriser l'émergence des bioénergies

50 millions

> Recherche en adaptation aux changements climatiques

46 millions

> Mobilisation et initiatives de la société civile

44 millions

> Verdir le parc automobile - véhicules écoénergétiques

40 millions

> Recherche et développement visant la réduction des GES

40 millions

Source: Plan d'action 2013-2020 sur les changements climatiques