Des négociations sur le climat à la peine et des pays qui, comme le Canada, s'affranchissent des engagements pris pour lutter contre le réchauffement: l'Argentin Raul Estrada, considéré comme l'un des architectes du protocole de Kyoto, ne cache pas sa «frustration».

«J'ai l'impression que les négociations reviennent à la case départ», regrette-t-il, alors que des discussions menées jusqu'à vendredi sous l'égide de l'ONU à Bonn (Allemagne) ont abordé une nouvelle étape devant déboucher sur la signature d'un futur accord global contre le changement climatique.

«On lance le dé et on avance de trois ou quatre cases. Puis on le relance et alors on recule. C'est un peu ce qu'on fait avec le climat», s'agace l'ex-diplomate argentin, joint par l'AFP à Buenos Aires.

En vue de ce nouveau cadre global qui doit être adopté en 2015 et entrer en vigueur en 2020, le protocole de Kyoto reste «une excellente source d'expérience», estime celui qui a conduit le processus ayant permis, en 1997 à Kyoto, l'adoption du seul traité contraignant en matière de climat.

Ce traité, entré en vigueur en 2005, impose des objectifs chiffrés de réduction d'émissions de gaz à effet de serre (GES) à 37 pays développés.

Adopté sous les applaudissements de la planète, ce texte reste un emblème de la lutte contre le réchauffement même s'il a peu à peu perdu de sa portée.

Il ne s'applique pas aux États-Unis, qui ne l'ont jamais ratifié après l'avoir adopté, et n'impose pas d'engagements à des pays comme la Chine, l'Inde ou le Brésil qui sont devenus de très gros émetteurs de CO2. Il ne couvre qu'un peu plus du quart des émissions globales.

De plus, certains des pays ne vont pas respecter leurs engagements.

«Je suis frustré par ces gouvernements avec qui nous avons adopté le protocole à l'unanimité et qui ensuite ne l'ont pas ratifié, comme les États-Unis, ou l'ont ratifié, mais ne sont aujourd'hui pas en conformité, comme le Canada et l'Italie», relève M. Estrada.

La situation du Japon, précise-t-il, est également incertaine et va dépendre des choix énergétiques qui seront faits au regard de l'accident de Fukushima.

Le protocole de Kyoto prévoit un objectif global de réduction de 5 % des émissions moyennes de GES sur la période 2008-2012 par rapport à 1990. Cet objectif global sera vraisemblablement atteint.

Pour les pays qui, individuellement, ne respecteront pas leurs objectifs, le traité prévoit une sanction en «durcissant» l'objectif de réduction assigné dans la période d'engagement suivante, rappelle M. Estrada, qui siège dans l'une des instances chargées de vérifier la conformité des pays.

Problème: le Canada, pas plus que le Japon ni la Russie, ne participera pas à la nouvelle période, qui doit démarrer début 2013. Les Canadiens ont même annoncé à la fin de l'année dernière leur retrait formel du traité.

«Il n'y a pas de sanctions pour quitter Kyoto», note M. Estrada, relativisant les mauvais résultats canadiens: «le total du pays ne représente que 10 % de celui des États-Unis et cela ne chamboule donc pas la donne».

«La réalité des relations internationales, c'est que si un pays n'est pas en conformité avec le traité, sa situation est inconfortable vis-à-vis des autres pays ou, dans le cas de l'Italie, avec ses partenaires européens», rappelle-t-il. Mais «les sanctions internationales sont extrêmement rares».

D'éventuelles sanctions qui n'interviendraient pas avant 2014 voire 2015, le temps de communiquer et de vérifier les émissions nationales de CO2.