Les mergules nains, les oiseaux marins les plus abondants de l'Arctique, parviennent pour l'instant à s'adapter au réchauffement des eaux de surface en mer du Groenland, montrent les travaux d'une équipe internationale menée par un chercheur du CNRS.

Les mergules nains figurent parmi les plus petits des oiseaux marins (150g) et les plus nombreux en Atlantique Nord (40 à 80 millions). Pour se nourrir et alimenter leur progéniture, ils se sont spécialisés dans la pêche aux copépodes, des petites crevettes planctoniques, dont ils capturent jusqu'à 65 000 individus par jour.

Les eaux glaciales qui descendent de l'océan Arctique par le détroit de Fram, entre le Groenland et le Spitzberg, abritent un copépode arctique de grande taille, Calanus hyperboreus, très riche en graisse. Une autre espèce de copépode, C. finmarchicus, se développe dans les eaux plus tempérées, mais elle est plus petite et surtout moins énergétique.

L'équipe de David Grémillet (CNRS, Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive) a étudié, sur trois étés, trois colonies de mergules nains situées de part et d'autre de la mer du Groenland, une mer de l'océan Arctique. Les températures des eaux de surface du site le plus chaud et celles du plus froid diffèrent de 5 °C, avec des modifications importantes de l'abondance et de la taille moyenne du zooplancton.

Localisé au Spitzberg, le site actuellement le plus chaud «reproduit en quelque sorte le réchauffement simulé pour la fin du 21e siècle dans la zone la plus froide (Groenland oriental)», explique le CNRS mardi dans un communiqué.

Les chercheurs ont montré que les oiseaux arrivent pour l'instant à compenser le réchauffement en modifiant leur régime alimentaire et en allongeant la durée de leurs voyages en mer : ils partent plus loin et plus longtemps pour s'alimenter dans des zones où la pêche sera plus fructueuse.

Un réchauffement de 5 °C reste cependant inférieur au réchauffement maximum de 7 °C envisagé en Arctique, à l'horizon 2100, par les modèles climatiques. «Or il semble que les mergules sont aujourd'hui à l'extrême limite de leurs capacités physiologiques et comportementales», relève le CNRS.

Un réchauffement plus marqué risquerait donc d'entraîner leur déclin ainsi qu'«un bouleversement majeur des écosystèmes marins de l'Arctique».

Ces travaux sont publiés dans la revue Marine Ecology Progress Series.