Non seulement le Canada n'a-t-il pas respecté ses engagements en vertu du protocole de Kyoto, mais si la tendance se maintient il n'atteindra pas non plus les cibles plus modestes de réduction de gaz à effet de serre qu'il s'était fixées à la conférence de Copenhague.

> Sur le web: le rapport du commissaire à l'environnement

Dans un rapport dévoilé mardi, le commissaire à l'environnement, Scott Vaughan, prévient que les mesures adoptées jusqu'ici par le gouvernement Harper ne permettront pas au Canada de réduire ses émissions de GES de 17% par rapport au niveau de 2005 d'ici 2020.

C'est cette cible que le gouvernement Harper avait adoptée au terme de la conférence de Copenhague en 2009. Il s'est depuis retiré du protocole de Kyoto, un traité beaucoup plus ambitieux, dont il jugeait les cibles « ridicules » (voir chiffres ci-dessous).

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En chiffres

Émissions du Canada en 2010: 692 mégatonnes

Cible de Kyoto

Réductions de 6% des émissions sous le niveau de 1990

Pour le Canada : 558,4 mégatonnes par année entre 2008 et 2012

Cible de Copenhague

Réduction de 17% des émissions sous le niveau de 2005

Pour le Canada : 607 mégatonnes par année en 2020

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Après avoir décortiqué les différentes mesures réglementaires élaborées par Ottawa pour réduire les émissions de carbone, M. Vaughan émet de sérieux doutes sur sa capacité d'atteindre ses nouveaux objectifs.

« Selon les prévisions d'Environnement Canada, en 2020, les émissions n'auront pas diminué de 17% par rapport à 2005, constate M. Vaughan. Elles auront augmenté de 7%. »

Ottawa a choisi une approche « sectorielle » pour réduire les émissions de GES, c'est-à-dire que chaque secteur industriel se verra imposer des règlements pour limiter la pollution. Or, souligne M. Vaughan, les règlements adoptés jusqu'ici ne touchent que les secteurs des transports et de la production d'électricité.

Ces mesures permettront au mieux de faire fléchir les émissions de 17 à 20 mégatonnes d'ici 2020. Or, pour atteindre les cibles de Copenhague, le Canada doit réduire ses émissions de 178 mégatonnes.

Le commissaire note au passage qu'il n'existe aucun règlement pour encadrer la pollution générée par l'industrie pétrolière et gazière. Ce secteur est pourtant la deuxième source de GES au pays et celui dont les émissions grimpent le plus rapidement. Les émissions liées à l'exploitation des sables bitumineux devraient à elles seules tripler d'ici 2020, a indiqué M. Vaughan.

« Compte tenu du fait qu'il faut réduire les émissions de 178 millions de tonnes additionnelles pour atteindre la cible de 2020, il est peu probable qu'il reste assez de temps pour élaborer et établir des règlements régissant les GES qui contribueront à des réductionsd'émissions de GES suffisantes », tranche-t-il.

Le gouvernement fédéral n'a par ailleurs aucune idée du coût de son approche réglementaire pour l'économie canadienne, constate le commissaire. Il recommande qu'Environnement Canada se dote d'un plan national pour réduire les émissions de GES, qu'il harmonise mieux ses politiques à celles des États-Unis, et qu'il établisse de meilleures projections des émissions futures du pays.

Dans sa réaction au rapport du commissaire, le ministre de l'Environnement dit accepter ses recommandations. Peter Kent assure qu'il travaille de pair avec les provinces afin d'adopter des mesures pour réduire les émissions canadiennes de GES.

« Les mesures fédérales, ocmbinées avec les mesures adoptées par les provinces, nous ont effectivement permis de réaliser le quart du parcours vers la cible que nous visons d'ici 2020, a affirmé le ministre dans un communiqué. Depuis 2005, les émissions ont été réduites dans presque tous les secteurs, y compris dans le secteur du pétrole et du gaz ainsi que celui de la production d'électricité. »

Indifférence

Le rapport de mardi est une nouvelle preuve de l'indifférence du gouvernement conservateur face à l'environnement, estime l'opposition. La critique du Nouveau Parti démocratique en matière d'Environnement, Megan Leslie, rappelle que le projet de loi sur le budget contient un éventail de mesures environnementales controversées. Si elle est adoptée, la loi consacrerait le retrait du protocole de Kyoto, donnerait au gouvernement le pouvoir de faire fi des évaluations environnementales et réécrirait la Loi sur les pêches.

« Les générations futures vont devoir payer pour les erreurs de Stephen Harper », affirme Mme Leslie.

La critique libérale en matière d'Environnement, Kristy Duncan, affirme que l'approche sectorielle du gouvernement fédéral est en voie « d'échouer misérablement ».

« L'approche secteur par secteur est une tactique dilatoire, a-t-elle dénoncé. Si vous voulez vraiment agir pour contrer les changements climatiques, il faut un plan d'action complet. »