Dans un passé pas si lointain, des cousins des castors, des ours bruns et des chevaux vivaient dans l'île d'Ellesmere, la plus nordique de l'archipel arctique canadien. Et la température moyenne y dépassait de 15 degrés Celsius celle qui a cours actuellement.

C'est ce qui ressort de nouvelles études présentées hier au congrès de l'Année polaire internationale, qui se poursuit à Montréal jusqu'à demain.

«On sous-estime peut-être l'ampleur du réchauffement qui va se produire en Arctique», affirme Natalia Rybczynski, paléobiologiste au Musée canadien de la nature.

Mme Rybczynski et son équipe ont réussi à faire parler un lieu battu par les vents polaires qui intriguait les chercheurs depuis sa découverte, il y a 20 ans. On y trouve dans des couches de tourbe des restes d'animaux et de plantes remarquablement préservés. «Ils ne sont pas pétrifiés, ils sont momifiés, dit-elle. Le bois qu'on y trouve, on pourrait le brûler.»

Nouvelles méthodes

Jusqu'à maintenant, il avait été difficile de dater ce site. Avec de nouvelles méthodes, on a pu déterminer qu'il était vieux d'environ 3,6 millions d'années. À cette époque, qu'on appelle le pliocène, il y avait dans l'atmosphère environ 400 parties par million (ppm) de gaz carbonique, le principal gaz à effet de serre. C'est un peu plus qu'actuellement. C'était avant les grandes glaciations qui ont frappé ensuite.

La faune et la flore de l'île d'Ellesmere étaient alors bien loin de celles du climat arctique actuel. En effet, qui dit castor dit arbres - aujourd'hui, l'arbre le plus proche est à 1500 km plus au sud.

Ces observations concordent avec l'analyse des sédiments d'un lac russe proche de l'océan Arctique. Julie Brigham-Grette, géologue à l'Université du Massachusetts à Amherst, explique que le pollen piégé dans les sédiments et divers autres indices montrent qu'il y a 3,6 millions d'années, la forêt boréale s'étendait jusqu'aux rivages arctiques.

L'Histoire se répète

«Il y a eu plusieurs épisodes tempérés et même chauds en Arctique que nous ignorions complètement, dit-elle. C'était aussi beaucoup plus humide.»

«Pendant cette période, la calotte glaciaire du Groenland a disparu et s'est reformée plusieurs fois», dit-elle.

Cela nous informe peut-être sur notre avenir, croit-elle. «Nous retournons vers 400 ppm et nous retournons vers le pliocène, dit-elle. Nous croyions que le Groenland était stable, et maintenant nous savons que ce n'est pas le cas. Nous sommes en route pour le perdre d'ici 3000 ans. Si l'océan Arctique perd sa glace et devient une grande masse foncée et que les forêts remplacent la toundra, la région va absorber beaucoup plus de chaleur.»