S'il y a encore des gens pour débattre de la réalité des changements climatiques, il faudrait les envoyer dans l'Arctique. La transformation des écosystèmes est si rapide qu'on peut l'observer d'une année à l'autre, selon plusieurs recherches présentées hier à la conférence de l'Année polaire internationale, qui se tient à Montréal jusqu'à vendredi.

«Les espèces des eaux plus tempérées sont en train de prendre le dessus», affirme Michael Klages, de l'Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine, en Allemagne.

Son équipe étudie le détroit de Fram, entre le Groenland et l'archipel de Spitzberg (Svalbard). «Il y a de plus en plus d'espèces de l'Atlantique qui pénètrent dans le détroit», dit-il. L'équipe cherche maintenant à installer un câble de fibre optique dans le fond du détroit afin de multiplier les observations.

Les mêmes phénomènes sont observés à l'autre extrémité de l'Arctique, dans le détroit de Béring. Là, des équipes scientifiques russes, canadiennes, américaines, japonaises et chinoises collaborent pour observer les changements en direct.

«Les espèces commerciales du Pacifique Nord, comme le crabe royal, sont entrées dans la mer de Beaufort, dit Jacqueline Grebmeier, de l'Université du Maryland. Pas encore dans des quantités commercialement exploitables, mais assez pour que les ministères des Pêches commencent à s'intéresser à la question.»

«Les baleines grises aussi montent plus au nord et restent plus longtemps, jusqu'en décembre ou janvier, ajoute-t-elle. Les ours polaires se noient. Les morses manquent de glace et se réfugient sur les berges.»

La plus importante mission scientifique canadienne de l'Année polaire s'est intéressée à l'eau libre qui persiste dans l'océan tout l'hiver en raison de la rotation des glaces.

Eau libre

«Ça nous donne une idée de ce à quoi ressemblera l'océan Arctique quand il y aura moins de glace», affirme David Barber, de l'Université de Winnipeg.

Les scientifiques constatent que la vie est plus abondante dans l'eau libre que sous la glace. Mais il ne faut pas compter sur l'écosystème arctique pour capter plus de carbone dans l'atmosphère qu'il ne le fait actuellement et ainsi ralentir le réchauffement.

«La quantité de carbone qui coule au fond de la mer est très petite, dit Jean-Éric Tremblay, de l'Université Laval. L'écosystème est très efficace pour recycler tous les nutriments.»

DES CANADIENS AU SECOURS DE LA STATION PEARL

La station d'observation atmosphérique PEARL, dont le financement n'est pas renouvelé par le gouvernement de Stephen Harper, a reçu 12 000$ en dons spontanés de la part d'une centaine de Canadiens.

La somme ne permettra pas le maintien des activités, qui coûte 1,5 million de dollars, mais un étudiant pourra s'y rendre afin de faire l'entretien de la machinerie. La station observe la haute atmosphère depuis 1992. La Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère sollicite de nouveaux dons, non pas pour remplacer entièrement les fonds fédéraux, mais pour convaincre d'autres institutions. Le directeur scientifique de la station, James Drummond, de l'Université Dalhousie, s'est dit touché par les contributions, dont la plus modeste était de 5 $. «Cela montre qu'il y a des gens pour qui notre travail est important», a-t-il déclaré. La station observe notamment la couche d'ozone au-dessus de l'Arctique, qui a connu son plus grand trou jamais observé en 2011.