Il est grand temps de diversifier les récoltes vitales face aux menaces croissantes dues à la sécheresse, aux inondations et aux parasites qu'entraîne le changement climatique, ont mis en garde lundi des agronomes.

La population mondiale - qui frôle les 7 milliards d'habitants - dépend massivement d'une dizaine de productions agricoles. À cause de la modernisation de l'agriculture, seul un faible nombre de variétés sont cultivées de façon intensive.

Lorsque le réchauffement va s'intensifier, beaucoup de ces variétés souffriront à cause du temps plus chaud et sec - ou au contraire plus humide - et seront exposées à des insectes et des parasites ayant investi de nouvelles zones d'habitat.

«Les agriculteurs se sont toujours adaptés, mais le rythme de changement à cause du changement climatique va être bien plus rapide que dans le passé. Il y aura une réelle nécessité d'aller vite», a déclaré à l'AFP Bruce Campbell, directeur du Programme de recherche sur le changement climatique, l'agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS).

Dans une série d'études, les experts soulignent les risques pour des produits de base comme le blé, le maïs, les bananes et le manioc.

Ils citent aussi en exemple la pomme de terre, dont l'amidon est un nutriment vital pour des centaines de millions de personnes. La pomme de terre est vulnérable à la chaleur qui réduit sa croissance et la formation d'amidon.

Avec le réchauffement, la culture des pommes de terre va devenir plus risquée dans le sud de l'Afrique et dans les hautes terres tropicales.

Dans les latitudes plus septentrionales, la propagation des parasites, comme la teigne de la pomme de terre, est redoutée. Mais le mildiou, responsable de famines par le passé en Europe, deviendra moins menaçant.

Il faudrait investir au moins 7 milliards de dollars supplémentaires par an dans l'irrigation, la recherche agronomique et les infrastructures rurales, selon le volumineux livre publié lundi présentant les stratégies d'adaptation des récoltes au changement climatique («Crop Adaptation to Climate Change»).

Pour diversifier les productions agricoles, les banques de conservation des graines et des génomes connus devraient jouer un rôle-clé, selon les chercheurs.

L'identification de caractéristiques génétiques particulières chez des plantes sauvages peut fournir un stock de gènes permettant d'affronter des conditions plus difficiles.

Le recours à des organismes génétiquement modifiés, contesté par de nombreuses organisations écologistes, est également possible. Mais «c'est une question à laquelle la société doit répondre», déclare prudemment M. Campbell.

Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) estime que les températures à la surface de la Terre vont probablement augmenter de 1,8 à 4 °C au cours du 21e siècle.

Ce réchauffement climatique est probablement déjà en marche, selon des nombreux scientifiques, a rappelé M. Campbell, mettant en garde contre le risque qu'il y aurait à «attendre dix ans» pour diversifier les variétés agricoles.

«Deux sortes de changements vont se produire: une hausse graduelle des températures et des épisodes extrêmes de canicule et d'inondations. Je pense qu'ils sont déjà là. Dans les données météorologiques, il y a tant de records battus, même s'il est très difficile de les attribuer au changement climatique», dit-il.

Le programme CCAFS résulte de l'association de deux organisations non gouvernementales, le Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale (CGIAR) et le Partenariat pour l'étude scientifique du système (ESSP).

En septembre 2009, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) avait prévenu que la production alimentaire devrait augmenter de 70% pour nourrir la population du globe, estimée à 9,1 milliards d'habitants en 2050.