Devant le mutisme du gouvernement fédéral, qui n'a toujours pas annoncé ses intentions, l'opposition appréhende la disparition complète des derniers programmes d'efficacité énergétique ÉcoÉnergie, alors que d'autres pays misent sur cet aspect de la lutte contre les changements climatiques.

«On craint que ces programmes-là disparaissent. Et on souhaite que le gouvernement revienne dans le budget avec des programmes de ce type, qui sont économiques, mais aussi environnementaux», souligne le porte-parole du Bloc québécois en matière d'environnement, Bernard Bigras.

«Je ne peux pas comprendre pourquoi on annulerait un programme que tout le monde adore, renchérit Linda Duncan, députée du NPD. Les conservateurs abandonnent les petites entreprises et les familles. Économiser de l'énergie, c'est tellement une voie intelligente à prendre.»

Créés en 2007, les derniers programmes ÉcoÉnergie viennent à échéance le 31 mars 2011, et le gouvernement conservateur n'a toujours pas indiqué si les mesures seraient reconduites, remplacées par d'autres, ou disparaîtraient tout simplement.

Le mandat des programmes ÉcoÉnergie est d'offrir des subventions pour améliorer l'efficacité énergétique dans plusieurs secteurs, du résidentiel aux petites et moyennes entreprises, en passant par les transports, et de faire la promotion des énergies renouvelables, éoliennes et solaires, notamment. Un propriétaire d'une résidence unifamiliale pouvait notamment obtenir jusqu'à 5000$ pour des rénovations dites écoénergétiques, avec une évaluation environnementale comme preuve à l'appui.

Dans le discours du Trône de 2010, Ottawa a annoncé une révision de l'ensemble de ses programmes d'efficacité énergétique et de réduction des émissions.

Au ministère des Ressources naturelles, qui administre les programmes ÉcoÉnergie, on rétorque que cet «examen» sera terminé en début d'année.

«Les décisions concernant la prochaine phase des initiatives d'énergie propre seront prises avant la fin de mars 2011», indique Jacinthe Perras, porte-parole du Ministère.

Mais déjà, le gouvernement a annoncé à la fin de mars 2010 que certains fonds, notamment pour la rénovation domiciliaire, étaient épuisés et que les nouvelles demandes seraient refusées, bien que le programme continue d'être administré jusqu'en mars 2011.

«Il n'y a que 9% des maisons qui ont été mises à niveau. Il en reste 91% à rénover», déplore le critique en environnement du Parti libéral, Gérard Kennedy.

«Le gouvernement, en annulant toutes les évaluations environnementales depuis le printemps dernier, est en train d'anéantir une industrie qui s'était développée avec beaucoup d'ambitions, ajoute le député. Je connais déjà des entreprises (d'évaluation environnementale) qui ont dû fermer leurs portes.»

Même son de cloche du côté des environnementalistes. «Ce sont des programmes qui ont démontré à quel point ils faisaient leurs frais. Pour chaque dollar que le gouvernement investit, il y a quatre, cinq, six dollars qui sont investis par la communauté, par les entreprises au niveau local, par les provinces, explique Steven Guilbeault, d'Équiterre. Ce sont des emplois qu'on créait partout au Canada. Ce sont des milliers de personnes qui travaillaient dans le secteur de l'efficacité énergétique et qui sont en train de perdre leur emploi.»

Selon les chiffres tirés des budgets 2010 du Canada et des États-Unis, compilés par l'Institut Pembina, les Américains investissent deux fois plus que le gouvernement canadien par habitant dans l'efficacité énergétique. Quant aux énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse), qui ont aussi perdu leurs subventions au Canada, les Américains investissent 18 fois plus qu'Ottawa.

«Les entreprises sont forcées de quitter le Canada pour aller aux États-Unis tout simplement parce que l'aide fiscale n'est pas offerte au Canada, alors que le gouvernement américain a décidé de mettre des incitatifs importants pour l'éolien et le solaire», conclut Bernard Bigras.

La Chine et l'Allemagne, notamment, investissent aussi très massivement dans les sources d'énergie renouvelables et l'opposition craint qu'Ottawa soit en train de rater un virage aussi environnemental qu'économique.