L'hiver dernier, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a été mis sur la sellette. Un petit passage de son rapport de 2007, qui annonçait la fonte des glaciers de l'Himalaya pour 2035, s'est révélé une grossière erreur basée sur une entrevue parue dans un magazine. Des «sceptiques du climat» ont disséqué le rapport de 2007 pour tenter de trouver d'autres imprécisions. Finalement, des courriels de chercheurs ayant participé aux travaux du GIEC qui contenaient des déclarations à l'emporte-pièce ont été divulgués aux médias, et trois enquêtes ont été lancées en Grande-Bretagne.

Alors que le sommet de Cancún sur le climat bat son plein, les retombées du Climategate commencent à se faire sentir au GIEC. Les chercheurs qui planchent sur le prochain rapport doivent composer avec des règles plus strictes sur les conflits d'intérêts et surtout sur la «littérature grise», des rapports gouvernementaux ou d'ONG et des articles médiatiques qui n'ont pas été soumis à un comité de lecture.

«Nous travaillons déjà avec certaines des recommandations du Conseil interacadémique», organisme international qui a proposé, à la fin du mois d'août, des suggestions de réforme pour le GIEC, explique Jean-Pascal van Ypersele, climatologue de l'Université catholique de Louvain et vice-président du GIEC, en entrevue de Cancún. «Nous avions déjà lancé une réflexion quand le rapport du Conseil a été publié et nous avons officialisé certains des changements lors d'une réunion en Corée du Sud à la mi-octobre. L'un de nos groupes de travail utilise déjà de nouvelles règles sur les conflits d'intérêts et sur la littérature grise. Nous avons aussi lancé quatre comités dont les propositions de réforme devront être discutées par les pays membres du GIEC.»

Les nouvelles règles sur les conflits d'intérêts, qui devront recevoir l'aval des pays membres du GIEC, obligeront dorénavant les chercheurs à dévoiler leur appartenance à des groupes de pression, en plus des entreprises commerciales. Le GIEC envisage également d'éliminer la possibilité de renouveler le mandat du président du GIEC - actuellement, la limite est de deux mandats - parce que ce poste a une visibilité qui multiplie les possibilités de controverse.

La réforme de l'utilisation de la littérature grise pourrait être beaucoup plus compliquée. «Les auteurs devront vérifier pour chaque information qu'elle n'est pas disponible dans les revues avec comité de lecture et la bibliographie devra justifier le recours à chaque référence grise», dit M. van Ypersele. Environ 5000 des 18 000 sources du rapport de 2007 faisaient partie de la littérature grise et se trouvaient surtout dans les sections sur l'adaptation aux changements climatiques et sur les approches politiques de réduction des gaz à effet de serre, selon le climatologue belge. Les rapports des différents pays qui seront dévoilés cette semaine à Cancún font partie de la littérature grise.

Nigel Roulet, climatologue à l'Université McGill, défend l'utilisation de littérature grise. «Dans certaines régions du monde, il y a très peu de données humaines publiées dans des revues à comité de lecture, dit M. Roulet. J'en utilise moi-même parce que je travaille sur les autochtones du Grand Nord.»