La conférence de l'ONU sur le climat de Cancun, au Mexique, entre dans sa dernière ligne droite, avec l'arrivée des ministres des 190 pays présents, dont la première mission sera de désamorcer la bombe qui menace les négociations: l'avenir du Protocole de Kyoto.

Car un an après la déception de Copenhague, un échec pourrait finir de discréditer ce lent processus onusien qui peine à produire un consensus sur la forme que doit prendre la lutte contre le changement climatique et son niveau d'ambition.

À l'occasion de cette réunion, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) a souligné l'urgence à relever le défi, en annonçant que 2010 serait certainement l'une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées.

Durant une semaine, les équipes de négociateurs ont tenté de progresser sur toute une gamme de sujets censés composer «un paquet équilibré» de décisions -lutte contre la déforestation, création du Fonds climat, ou encore contrôle des actions promises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Ces sujets ont été présentés pendant des mois comme ayant de grandes chances d'aboutir à un accord.

Les ambitions du texte sont modestes: son objectif premier est d'offrir un second souffle aux négociations et servir de «fondation» à un accord futur plus musclé.

Les ministres entreront réellement en piste mardi pour arbitrer et parvenir à un accord d'ici la fin de la conférence, le 10 décembre.

Mais selon la ministre mexicaine des Affaires étrangères Patricia Espinosa, s'il y a des «progrès» sur certains dossiers, les parties ont fait «marche arrière» sur d'autres.

«Quand on arrive à la fin de la première semaine, il commence à y avoir des prises de positions un peu plus fortes, un peu plus radicales, des effets de manche», constate de son côté l'ambassadeur climat de la France, Brice Lalonde.

«Et il ne faudrait pas que ceci fasse tourner les choses. Il faudrait que la volonté de compromis demeure», a-t-il ajouté.

La question de l'avenir du Protocole de Kyoto, sujet qui a quasiment éclipsé tous les autres, est «une épée de Damoclès» sur la conférence, a dit le négociateur en chef de l'Union européenne, Artur Runge-Metzger.

C'est le Japon qui a mis le feu aux poudres en réaffirmant solennellement, dès l'ouverture de la conférence le 29 novembre, qu'il ne signerait jamais une seconde période d'engagement du traité, après la première qui expire fin 2012.

Un texte «pas juste», a réitéré samedi la délégation nipponne, car il fixe des objectifs chiffrés de réduction d'émission de GES aux pays industrialisés, mais n'impose rien aux deux plus grands pollueurs: la Chine et les États-Unis qui ne l'ont pas ratifié.

«Ce n'est pas efficace», selon les Japonais, car le Protocole ne couvre plus que 27% des émissions de GES.

Le Canada et la Russie sont aussi réticents, voire franchement hostiles, à une nouvelle période d'engagement.

En dépit de ça, les pays du sud y sont très attachés et exigent une seconde période. «Crucial» pour la Chine. Sans ça, il serait «très difficile» de parvenir à un accord, d'après plusieurs pays d'Amérique latine.

Face à cette situation, la responsable climat de l'ONU, Christiana Figueres, a enjoint les parties au «compromis», et à reporter la question au prochain grand rendez-vous climat, fin 2011, à Durban (Afrique du Sud).

La deuxième semaine de négociations devrait alors être consacrée à la recherche de la «formule un peu ambiguë» qui satisfasse tout le monde, selon les mots d'un négociateur européen.

Les principaux dossiers sur la table

- PROTOCOLE DE KYOTO:

Il est devenu la principale pomme de discorde des négociations de Cancun.

Les pays en développement insistent pour que les pays riches signent une seconde période d'engagement du Protocole, la première s'achevant fin 2012.

Ils insistent pour garder le seul instrument légal qui impose des contraintes chiffrées en matière d'émissions de GES aux pays industrialisés (sauf les États-Unis qui ne l'ont pas ratifié).

Le Japon s'est déclaré catégoriquement opposé à une seconde période dès l'ouverture de la conférence. Le Canada et la Russie y sont réticents, voire franchement hostiles.

L'Union européenne se dit, elle, prête à «envisager» une telle option, sous certaines conditions.

- RÉDUCTION DES EMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE (GES) LIEES À LA DEFORESTATION (12 à 20% du total):

Cancun pourrait rendre opérationnel le mécanisme REDD+ qui consiste à verser des compensations financières aux pays qui réduisent la déforestation ou la dégradation de leurs forêts.

Un accord-cadre était quasiment prêt à Copenhague. Quelques points délicats restent néanmoins sur la table des négociations, comme celui d'une mention explicite du marché du carbone comme outil de financement.

- LE FONDS VERT:

À Copenhague, les pays industrialisés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 pour les pays plus pauvres. Une «partie significative» de ces sommes devrait transiter par ce nouveau Fonds climat.

Les pays du sud veulent qu'il soit le plus possible rattaché à l'Onu, pour y être équitablement représentés. Les États-Unis veulent lui donner plus d'indépendance, voire le lier à la Banque mondiale.

Mais où trouver ces 100 milliards? Le groupe consultatif de l'ONU préconise des «financements alternatifs», comme des taxes sur les transports et les transactions financières.

- ANCRER LES ENGAGEMENTS SUR LES RÉDUCTIONS D'EMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE...

Conformément à l'accord de Copenhague, pays industrialisés et en développement ont soumis début 2010 à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) leurs objectifs (pour les premiers), et actions (les seconds) pour 2020 en termes d'émissions de GES.

Ces promesses n'ont pas de caractère contraignant: il devrait être question à Cancun de trouver une formule juridique pour les «ancrer» un peu plus sur les réductions d'émissions de GES. Elles restent cependant trop faibles pour atteindre l'objectif de limiter à 2° la hausse de la température moyenne du globe.

- ... ET LES VÉRIFIER:

Le contrôle des efforts réalisés pour réduire les émissions de GES est l'un des sujets épineux des négociations.

La Chine, premier émetteur mondial, est particulièrement réticente à un regard extérieur sur ses plans climats, un point sur lequel insiste l'autre grand pollueur, les États-Unis.

L'accord de Copenhague prévoit que les actions menées par les pays en développement soient soumises à des «consultations et analyses internationales (ICA)». Cancun pourrait en préciser les modalités.