Dans les décharges urbaines des pays en développement, des millions de chiffonniers trient à la main les déchets, une contribution à la lutte contre le réchauffement climatique pourtant ignorée des mécanismes de développement propre (MDP) du protocole de Kyoto.

Ce problème a été posé cette semaine de façon très pratique à la conférence des Nations unies sur le climat en cours dans la ville chinoise de Tianjin, grâce à Maya Khodave, une Indienne qui gagne sa vie en ramassant les ordures.

«Nous jouons un rôle très important pour l'environnement, mais notre travail n'est pas reconnu», a témoigné les larmes aux yeux la chiffonnière de 23 ans, d'allure chétive et habillée d'un sari traditionnel.

«Pour chaque tonne de papier que nous rassemblons pour être recyclé, nous permettons de sauver 17 arbres», a-t-elle ajouté.

La jeune Indienne a été amenée à Tianjin, dans le nord de la Chine, par GAIA (Global alliance for incinerator alternatives), une fédération d'ONG qui prône le tri et le recyclage des déchets plutôt que leur incinération. Brûler les ordures produit des gaz à effet de serre responsables du réchauffement.

Selon cette organisation, les mécanismes de développement propre (MDP) du protocole de Kyoto favorisent justement l'incinération plutôt que le recyclage.

Le MDP permet à un pays industriel de s'affranchir d'une partie de ses obligations de réduction d'émissions de CO2 (dioxyde de carbone, l'un des principaux gaz à effet de serre) sur son territoire en finançant dans un pays tiers en développement des projets énergétiques économes en CO2.

Parmi ces initiatives censées être «propres» figurent 186 projets d'enfouissement ou d'incinération de déchets, dans des pays en développement tels que l'Inde, mais pas un seul projet de recyclage, regrette GAIA.

Or, dénonce Neil Tangri, directeur de la campagne climat chez GAIA, les sites d'enfouissement produisent du méthane et d'autres gaz très néfastes pour le climat.

Et, poursuit-il, pour une même quantité d'énergie produite, un incinérateur à déchets émet un tiers de plus de CO2 qu'une centrale thermique à charbon.

«Le paradoxe est que non seulement ils (ces projets) causent eux-mêmes des émissions directes (de CO2) mais ils réduisent ce qui est disponible pour le recyclage», a-t-il expliqué.

Certains projets estampillés «MDP» ont d'autres effets pervers, a détaillé Maya Khodave: ils enlèvent aux chiffonniers leur unique source de revenu, les déchets étant transformés en cendres et l'accès aux décharges étant de plus en plus restreint.

M. Tangri a souhaité que les instruments de lutte contre le changement climatique tels que les MDP puissent servir à financer le recyclage et reconnaître à leur valeur les tâches des chiffonniers des décharges des pays du Sud.

«Ce sont les plus pauvres parmi les pauvres, les gouvernements n'aiment pas avoir affaire à eux, la société ne les tient pas en grand respect», a-t-il résumé.