«Des marchands de tapis»: les écologistes s'indignent du refus des Européens de chiffrer leur aide aux pays pauvres pour lutter contre le réchauffement climatique tant qu'ils ne seront pas certains d'en tirer des avantages.

Les dirigeants de l'UE, qui se veulent moteur sur la protection du climat, vont réaffirmer leur engagement de principe d'aider les pays en développement lors de leur sommet jeudi et vendredi, mais «il n'y aura pas de chiffres», selon plusieurs diplomates européens.Le projet de conclusions du sommet prévoit de renvoyer les décisions sur ce financement au sommet d'octobre.

«Si on met un chiffre sur la table, le débat va se porter sur ce montant et se détourner du vrai débat, qui porte sur l'effort de réduction des émissions», justifie un haut responsable de la Commission.

L'aide aux pays les plus vulnérables est l'une des clés pour arriver en décembre à Copenhague à un nouvel accord international sur le climat, à l'expiration du protocole de Kyoto en 2012.

«Les Européens veulent un retour pour leur argent avant de le mettre sur la table», affirme Oxfam dans une récente étude.

Selon cette ONG, les pays de l'UE veulent notamment s'assurer que les aides qu'ils verseront à ces pays pour acquérir des «technologies vertes» serviront à s'équiper auprès d'industriels européens.

Comme les autres pays riches, ils «ne veulent pas perdre les lucratifs marchés des économies émergentes comme la Russie et l'Inde ou risquer de perdre leur avance technologique».

Ils sont aussi divisés sur la répartition du fardeau entre eux.

«Il faut d'abord le définir avant de le partager», soutient Karl Falkenberg, directeur général pour l'environnement à la Commission.

«Nous devons d'abord voir quels efforts les pays en voie de développement sont prêts à accomplir, et évaluer le soutien dont ils auront besoin avant de lancer des chiffres», explique-t-il.

Selon diverses estimations, l'UE devra apporter 30 à 35 milliards d'euros par an aux pays pauvres jusqu'en 2020.

Greenpeace a estimé l'effort par pays selon le principe du pollueur-payeur: l'Allemagne devrait contribuer pour 7 milliards, le Royaume-Uni pour 5 milliards, la France 4,2 milliards, l'Italie 4 milliards et la Pologne pour 1,5 milliard.

Une répartition contestée par Varsovie qui veut soulever la question lors du sommet, a indiqué mardi le ministre polonais pour les Affaires européennes Mikolaj Dowgielewicz.

Le sommet européen doit néanmoins permettre d'avancer avant le G8 des 10-12 juillet en Italie, où les Européens espèrent «voir ce que les autres grandes puissances sont prêtes à mettre sur la table», a souligné un diplomate.

Mais certains pays de l'UE anticipent déjà un échec à Copenhague. La France menace ainsi de revenir à la charge avec son projet controversé de taxe carbone aux frontières pour protéger les industries européennes.

Les Européens se sont en effet imposé des mesures très contraignantes pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport à leurs niveaux de 1990 d'ici à 2020. «Or aucun autre pays ne va dans cette direction», déplore M. Falkenberg.

Mais ces atermoiements de pays riches exaspèrent les organisations écologistes.

«Comportement de marchands de tapis», déplore Tony Long, directeur du bureau européen du WWF. «Le climat est devenu comme le Doha round, une négociation commerciale. Personne ne veut montrer ses cartes, et rien ne bouge».

«Tout cela ressemble à une dispute budgétaire classique. C'est la dernière chose dont l'UE a besoin si elle veut garder son rôle moteur dans les négociations sur le climat», s'insurge aussi Oxfam.