Les Nations unies ont célébré mercredi la Journée mondiale de l'alimentation, rappelant que 842 millions de personnes dans le monde sont toujours en déficit alimentaire malgré les progrès réalisés, en partie en raison du gaspillage de nourriture.

En ouverture des cérémonies à Rome, le directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'Agriculture et l'Alimentation (FAO), José Graziano da Silva, a choisi de célébrer «le verre à moitié plein» puisqu'on comptait encore plus d'un milliard de personnes en déficit alimentaire chronique en 2009.

«Il y a certes encore de nombreux défis à relever, mais 44 pays ont atteint depuis 2000 les Objectifs de développement du Millénaire» (ODM) visant à réduire de moitié le nombre de mal nourris d'ici à 2015, a-t-il fait valoir.

Au total, «62 des 128 pays en développement supervisés par la FAO y sont parvenus, «62 pays qui montrent qu'on peut gagner la bataille contre la faim», a remarqué le responsable.

M. Graziano da Silva a noté au passage «les énormes bénéfices économiques» de cette lutte, le «coût» de la faim étant estimé à 5% des revenus mondiaux en perte de productivité ou besoin d'assistance médicale.

Un coût de 2% à 3% du PIB mondial

La FAO insiste aussi cette année sur les 2 milliards de personnes souffrant d'une ou plusieurs carences en micronutriments (vitamines et autres): 26% des enfants présentent un retard de croissance et 1,4 milliard d'humains sont en excès pondéral - dont 500 millions d'obèses - du fait de leur alimentation carencée.

Selon la FAO, le seul coût «de la dénutrition et des carences en micronutriments représentent 2 à 3% du PIB mondial, soit 1.400 à 2.100 milliards de dollars».

Pour le Programme alimentaire mondial (PAM), qui fournit une aide d'urgence à 80 pays, il faut renforcer le nombre de mères et d'enfants recevant des produits nutritionnels spécialisés et «se focaliser sur les 1.000 premiers jours de vie», de la conception à l'âge de 2 ans.

Il faut aussi «reconnaître et promouvoir le rôle des femmes dans les systèmes alimentaires, car elles sont encore trop souvent laissées en dehors, privées d'accès aux marchés, aux expertises et aux formations», a regretté Ertharin Cousin, directrice générale du PAM.

Pour la première dame du Pérou Nadine Herredia, également ambassadrice spéciale de la FAO pour l'Année internationale du Quinoa, il est indispensable de «réduire encore les disparités entre ruraux et urbains, entre filles et garçons».

Exposant le programme de petits-déjeuners dans les écoles, organisé au Pérou depuis six mois au profit de 2,6 millions d'enfants, elle s'est indignée: «certains préfèrent défendre l'économie plutôt que les humains. Pensent qu'il vaut mieux enseigner à pêcher que distribuer du poisson. Nous, nous pensons qu'il faut faire les deux en même temps».

La Journée est aussi l'occasion de rappeler que l'approvisionnement alimentaire est lourdement pénalisé par le gaspillage: un tiers de la production alimentaire mondiale est ainsi perdue chaque année, soit 1,3 milliard de tonnes et plus de 750 milliards de dollars par an. «Choquant dans un monde d'abondance», a insisté le représentant du Pape François, Mgr Luigi Travaglino.

«Avec un quart de ces quantités, on nourrit les 842 millions de personnes qui souffrent encore de la faim dans le monde», assure Robert van Otterdijk, expert agro-industries chargé des infrastructures rurales à la FAO.

Selon lui, en «réduisant de moitié ce gâchis, il n'y aurait plus qu'à augmenter de 32% la production alimentaire mondiale pour nourrir les 9 milliards d'humains projetés en 2050». Les experts estiment aujourd'hui qu'il faudrait une hausse de 60% pour répondre aux besoins futurs de l'humanité, intenable pour la planète dont les ressources en terre et en eau, notamment, ne sont pas infinies.

Pour Mathilde Iweins, coordinatrice d'un rapport sur le coût environnemental du gâchis, «les surfaces agricoles utilisées pour produire des aliments qui ne seront même pas mangés sont équivalentes à celles du Canada et de l'Inde réunis».

Ce qui fait du gâchis alimentaire, ramené à l'échelle d'un pays, «le 3e émetteur de gaz à effet de serre après la Chine et les États-Unis», dont la consommation d'eau vaudrait trois fois le Lac Léman, selon la jeune femme.